26 avril 2010

Tragédie et éthique


      S’il y a une pertinence à présenter la problématique de la tragédie à notre époque, c'est du côté de la critique que s’inscrit pareille approche de l'éthique des vertus. Effectivement, il semble que la tragédie peut être clairement perçue comme une critique acerbe de l’idée de vertu dans le mesure où celle-ci serait sursumée par l’événement tragique. Elle ferait qu’en fin de compte, la vertu ne résiste pas à la fulgurence de la tragédie.
            Je crois que la problématique, montre en elle-même que la tragédie dépeint d’une manière radicale une situation morale qui pose en soi un dilemme : « comment un personnage admirable peut-il poser des actions qui l’orientent vers le mal et la destruction de soi ? »
Ce que j’affirme d’entrée de jeu, c’est l’impopularité de la question éthique soulevée par la tragédie. Cela semble constituer une région incertaine et inquiétante, pour plusieurs philosophes. Proposer une méditation sur la tragédie aussi bien moderne qu’ancienne, c'est questionner la pertinence de la tragédie littéraire pour la réflexion éthique. Montrer comment la tragédie a été perçue comme un problème pour la pensée éthique, mais aussi comment la tragédie peut être un catalyseur pour l’éthique en tant que telle.
Il importe donc de noter que deux aspects caractérisent la littérature tragique : premièrement, la déchéance du statut vertueux d’un personnage mené jusqu’à l’agir mauvais, et deuxièmement, la représentation des conflits définitifs entre différentes valeurs et différentes vertus.
Pour nous, le fait que les penseurs éthiques omettent de reconnaître la dimension tragique de l’expérience morale est questionnable. Et les sources de ce questionnement remontent à Platon dans sa République par le biais de ce « quarrel between the philosopher and the poet. » En cette dispute montrée par Platon, s’élève la critique littéraire de la déchéance des dieux face à l’humaine souffrance. Comme s’ils n’étaient responsables que du bien arrivé aux humains et non du mal. C’est ici encore la question de la théodicée qui est soulevée, bien que Platon essaie de l’occulter. Et c’est ce qui pose analogiquement problème au philosophe qui questionne le rapport entre tragédie et éthique. On sait la position platonicienne sur la tragédie, elle est fondée sur une croyance selon laquelle la littérature aurait une influence négative sur la moralité humaine.
Nous en appelons du jugement éclairé du philosophe Walter Kaufmann pour montrer que l’hostilité platonicienne aux poètes tragiques, implique une réaction des anciens contre l’autorité traditionnelle.
Une des raisons fondamentales de l’hositilité platonicienne, c’est l’opposition d’une nouvelle norme de vertu morale à celle d’un héros habituel de la littérature grecque. De là, la référence à la vertu socratique qui, en elle-même, trouve sa propre récompense.
En fait, une difficulté posée par la tragédie se situe aux limites du jugement éthique que chaque penseurs de l’éthique doit définir et assumer. C’est dans cette perpective, que ceux-ci perçoivent dans la tragédie une tentation insidieuse pour l’homme à évaluer le succès, le bonheur même la vie elle-même, qui selon Kaufmann  est trop chèrement reliée à l’absolu et à la péremptoire demande morale.
            Ce qui entre en rupture avec l’éthique dans la tragédie, c’est que cette dernière peut apparaître comme malchance morale dans une perspective destinale incontournable. Cela les penseurs de l’éthique ne peuvent pas l’accepter puisque, nous sommes des êtres de liberté. C’est pour cette raison que le jugement sur la moralité d’un acte en termes d’intentionalité de l’agent est une aporie en ce qu’elle dévoile une dimension tragique impliquée dans certains choix. Cette tendance, on la retrouve dans le déontologisme et son insistance sur la signification intrinsèque des actions morales de l’agent, dans ce type d’orientation éthique dont Kant est l’exemple.
Pourtant, la tragédie montre de manière virulente que les résultats des actes d’un agent ne peuvent en rien aider mais, au plus, influencer comment ils sont moralement évalués même si l’agent ne peut contrôler la tournure des événements.
Car la tragédie déploie des forces invisibles dans le monde et qui sont hostiles à l’humaine vertu. La vertu serait une chose bien futile dans l’univers si l’effort de l’homme d’âme profonde n’était supporté de quelques manières que ce soit. Néanmoins, confronté à la destruction du vertueux, certains penseurs on l’habitude d’isoler la volonté individuelle et de littéralement blâmer l’imputabilité de la faute individuelle, plutôt que de percevoir consciemment les sources de la tragédie dans la structure de la société et le monde en lui-même.
Nous retraçons cette tendance depuis la République de Platon et aussi dans la Poétique d’Aristote. Ce que montre la tragédie, c’est le péril de l’inévitable. Elle n’est pas à chercher ailleurs que dans ce qui échappe absolument au sujet, et non dans son étroite volonté de faire le bien ou le mal. La tragédie nous montre que les sources de la catastrophe sont effectives dans la volonté et ultimement dans les structures du monde. C’est Max Scheler, qui disait que «  dans chaque tragédie originaire, nous voyons plus qu’un simple événement tragique… Le lieu du sujet tragique est toujours le monde lui-même, le monde perçu comme un tout qui rend les choses possibles ».
C’est un danger auquel s’adonnent certains penseurs, de tenter d’isoler la tragédie strictement dans la volonté individuelle. Dans ce cas, c’est occulter l’ouverture de la réflexion sur le fonctionnement des structures du monde et, en particulier, sur le fonctionnement des sociétés contemporaines génèrant le conflit à nul autre pareil sans se soicier de l’affectation au sujet.
C’est peut-être pour cette raison que l’idée d’une personne vertueuse agissant mal est paradoxale en elle-même. On voit là l’héritage chrétien qui jette de l’opacité sur la nature humaine en l’obligeant à l’angélisme auto-destructeur.
La tragédie révèle plus justement que bien que les vertus et le caractère d’un sujet sont des facteurs de la vie morale, les qualités d’un agent ne peuvent être judicieusement corrélées avec la variété des actions. Ainsi la littérature tragique, nous montre que les particularités et les qualités des individus produisent des actes des plus confus au plan moral.
Tout cela nous rappelle à juste titre, qu’il fut un temps où les philosophes n’occultaient pas la tragédie, mais l’ont authentiquement envisagée. C’est en fait, depuis Hegel et Nietsche en particulier, que certains penseurs ont interprété la vie comme une expérience tragique. Un nom comme Miguel de Unamuno, emblême du sens tragique de la vie, s’il en fut un, n’est pas d’un usage si utile pour l’investiguation de la dimension éthique des choix tragiques de la vie.
Le danger de s’en tenir à une conception tragique de l’existence au plan éthique de la décision, peut être évité que par la théorie éthique qui peut distinguer entre un situation de tragique éthique et  le mouvement qui en soi affirme que la vie est tragique.
La conclusion à laquelle on en vient est que la tragédie dans la littérature et dans la société contemporaine peut aider à comprendre certains éléments de l’expérience éthique qui n’est en rien comparable à la pertinence du sens tragique de la vie ou de ce mouvement de généralisation de la nature tragique de l’existence.
Si le terme tragédie est un concept esthétique, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, il est utiliser pour qualifier le malheur ou la perte. En cela, la tragédie montre vivement la signification des circonstances agravantes de l’expérience éthique. Et c’est le dilemme moral au cœur de la tragédie qui donne à penser à l’incommensurabilité des valeurs morales. Ainsi, c’est au problème de la relativisation des valeurs que nous faisons face. Ce qui indique la différence entre pouvoir et devoir au sens du droit  dans la prise de décision.
Dans la tagédie, la finitude et la culpabilité fusionnées dans l’aveuglement de l’action accompagnent l’erreur tragique. Ce qui pose un conflit des vertus ou entre la vertu et l’usage négatif de la passion humaine qu’elle soit retracée chez Macbeth ou Faust.
En quoi donc la tragédie est une critique de la vertu ? Bien dans le fait que la tragédie montre de manière virulente l’inadéquation, si je puis dire, entre la vertu et la vie heureuse, i.e. que la vertu peut aussi bien mener au malheur et à la souffrance que l’inverse visé dans son intentionnalité.
La tragédie implique donc certaines incohérences entre les notions morales et les croyances fondamentales d’un sujet. C’est pour cela aussi, quelle s’éprouve comme critique de la vertu. Elle (la tragédie) invite le lecteur à comprendre comment les meilleures qualités d’un sujet peuvent être les pires éléments destructeurs pour lui-même et pour l’autre.
Enfin, si la tragédie nous aide à imaginer le potentiel et les dangers qui sommeillent dans l’idéal de vertu, les fameux idéaux ascétiques dont parlait un Nietzsche, nous font opiner, de la même manière, à reconnaître que les croyances morales d’un sujet sont indispensables, non en raison de leur perfection dont elles orientent l’action, mais parce que, également dans l’échec, elles demeurent des ideaux ou des exigences du soi. Ainsi donc la tragédie exige une reconnaissance de la faillibilité des idéaux moraux particuliers, ce qui inévitablement engage une profonde auto-critique de soi en même temps que de valeur ultime et de la signification pour la vie humaine des formes particulières de la vertu morale.



[1] Cf. Walter Kaufmann, Tragedy and Philosophy, Princeton, NJ : Princeton University Press, 1968.

C.R. Après le christianisme

Gianni Vattimo, Après la chrétienté : Pour un Christianisme non religieux, Calmann-Lévy, coll. « L'ordre philosophique »,‎ 2004, 202 p.

Professeur émérite de philosophie à Torino (Italie) Gianni Vattimo est l’un des plus éminents représentants de la pensée contemporaine et postmoderne. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, traduits en plusieurs langues, dont Introduction à Heidegger (1985), La pensée faible (avec P. A. Rovatti), La fin de la modernité (1987), Éthique de l’interprétation (1991), Introduction à Nietzsche (1991), La Religion (avec J. Derrida et H.-G. Gadamer, 1996), Espérer croire (1998), Après le christianisme : pour un christianisme non religieux (2002), Nihilisme et émancipation : éthique, politique et droit (2003), L’avenir de la religion (avec R. Rorty et S. Zabala, 2005). C’est à partir d’une reprise du titre de son avant-dernier livre Espérer croire publié en 2002 que Vattimo introduit à son nouvel ouvrage, L’avenir de la religion (2005). Ce titre en effet appelle un commentaire qui clarifie le propos.

En italien, Credere di credere sonne de façon paradoxale, croire signifiant en même temps « avoir une foi, une conviction… à propos de quelque chose » et « estimer, penser avec une marge d’incertitude ». C’est ce dernier sens que revêtirait le premier credere du titre, tandis que le second correspondrait à la première acception de credere, au sens religieux de la croyance. Toute la démarche de l’auteur vient alors s’inscrire dans cette estimation probable de notre certitude et de notre foi, ce qu’il résume en rapportant que c’est à la suite d’un coup de téléphone avec un de ses anciens professeurs très croyant, qui lui demandait si au bout du compte il avait encore foi en Dieu, que Gianni Vattimo s’est surpris à lui répondre : « Disons que j’espère croire » (p. 11). 

Marqué par la philosophie contemporaine, de Nietzsche à l’herméneutique en passant décisivement par Heidegger, Vattimo est également un observateur avisé de la postmodernité. Celle-ci est précisément marquée par un certain scepticisme à l’égard de la religiosité, que l’individualisme libéral aussi bien que les déterminismes et collectivismes, notamment marxistes, ont largement étayés. Sous l’influence du néo-thomiste Jacques Maritain, Vattimo dit que, méfiant envers les dogmes de la modernité, il a fait le choix d’étudier la philosophie et en particulier Nietzsche et Heidegger, « critiques les plus radicaux de la modernité ». C’est paradoxalement à travers ces deux penseurs que Vattimo a retrouvé le christianisme, sous la devise Credere di credere.
 
            Pour clarifier d’emblée la façon dont il lit Nietzsche, Vattimo signale dès l’introduction que la proclamation selon laquelle Dieu est mort n’est pas une profession d’athéisme, et ne peut l’être, sans quoi Nietzsche resterait précisément enfermé dans un idéal de vérité absolue et un horizon métaphysique ayant la même fonction que le Dieu de la métaphysique traditionnelle. 

Or Vattimo rattache cette optique nietzschéenne à la polémique de Heidegger contre la métaphysique qui, depuis Parménide, croit pouvoir saisir un fondement ultime de la réalité sous la forme d’une structure « donnée comme une essence ou une vérité mathématique » (p. 13). 

À partir de telles prémisses, on pourrait se demander quels liens établir entre ces deux penseurs, la modernité et la foi chrétienne. Selon Vattimo, le monde pluraliste dans lequel nous vivons ne peut se laisser interpréter par une pensée universalisante, comme une structure unique fondée, que la philosophie aurait pour tâche de connaître et la religion d’adorer. C’est bien le Dieu moral des philosophes, qui est mort depuis Nietzsche, et la métaphysique comme croyance en un ordre stable et nécessaire de l’être, qui s’est achevée avec Heidegger. Dès lors la « renaissance » de la religion à l’époque post-métaphysique devient théoriquement légitime car elle procède d’une ouverture à l’être comme crainte, espérance, projet, autrement dit elle s’effectue au nom de l’expérience de la liberté. Discuter de manière critique les formes que prend aujourd’hui la renaissance du sacré pose selon Vattimo la question centrale de la sécularisation.
           
Le processus moderne de civilisation manifeste une puissance de dissolution du sacré, ce qu’il appelle aussi « affaiblissement de l’être ». Or cette perte est à repenser comme noyau de l’histoire du salut, kénosis  de Dieu, et non plus comme abandon de la religion, mais plutôt réalisation de sa vocation intime.
            
Or pour parvenir à cette réalisation, une nouvelle forme modernisée d’œcuménisme est requise. S’appuyant sur l’abbé calabrais Joachim de Flore, et sur l’influence majeure qu’il a pu exercer notamment sur Schelling, Novalis et Schleiermacher (p. 55 à 64), Vattimo place les rouages de ce nouvel œcuménisme dans une sécularisation qui ne correspond pas exactement à l’atmosphère de la théologie de Karl Barth ou de Bonhoeffer, et qui en tout cas se distingue explicitement de la position très répandue, aujourd’hui, et fermement défendue dans la culture, qui consiste à concevoir la reprise de la religion comme ouverture au radicalement autre sous la grande influence d’Emmanuel Levinas et du « déconstructionnisme » de Derrida.
           

 Par ailleurs, Vattimo est particulièrement sensible au fait que le rapport du christianisme avec les conflits culturels en Europe est loin d’être conçu comme un rapport d’apaisement. Tout comme l’existence d’une tradition chrétienne, plutôt qu’un règlement des conflits, apparaît comme un élément même de ces conflits, le rapport entre religion et politique est rarement ressenti comme l’éventualité que la religion contribue « positivement à enrichir et améliorer la politique » (p. 143).            
            La manière dont nos sociétés occidentales ont tenté de résoudre ce double clivage coïncide avec le début de la modernité (Réforme protestante, guerres de religion), et sa poursuite s’effectue comme évacuation de la thématique religieuse du monde laïc. Or le conflit culturel voyant aujourd’hui « impliqués de nouveaux sujets religieux, les cultures différentes qui entre-temps se sont établies parmi nous » (p. 144), nous sommes conduits à nous demander si la solution libérale visant à cantonner la religion dans la sphère du privé, ou du moins dans celle de la société civile, est une solution viable. Ne doit-on pas plutôt considérer que « l’absorption pacifique de certaines cultures différentes des nôtres » a échoué, et que la laïcité de l’espace politique représente « comme une menace et non une condition positive de liberté » ? Selon Vattimo, l’affaire de l’interdiction du « tchador (sic) dans les écoles publiques françaises » (p. 145) est à ce titre emblématique. Notamment parce qu’elle opère envers une identité culturelle « différente, minoritaire, relativement étrangère à une tradition locale plus enracinée ».
           
En s’appuyant sur le fait que par ailleurs serait quasi unanimement acceptée la présence sourde de symboles chrétiens dans les écoles européennes, Vattimo considère que « l’espace laïque du libéralisme moderne est plus religieux que le libéralisme lui-même et la pensée chrétienne ne sont disposés à le reconnaître » (p. 149). Il serait par conséquent absurde que le christianisme essaye de se positionner dans le nouvel espace des conflits interculturels en se restaurant comme identité forte, et sa « vocation serait plutôt d’approfondir sa physionomie propre de source et de condition de possibilité pour la laïcité » (idem).
            

Tel est bien in fine le centre névralgique de l’ouvrage de Vattimo : que le christianisme, en entrant dans le dialogue interculturel, se présente « comme le porteur de la laïcité [...], développe sa vocation laïque [...] ». Cela pourrait se résumer selon l’auteur en un slogan :
           

« De l’universalisme à l’hospitalité », au sens où Derrida, auquel se réfère Vattimo, considère que l’hospitalité ne se réalise que si l’on accepte de se mettre entre les mains de son hôte. Thèse lourde de conséquences qu’entend bien assumer Vattimo, particulièrement aujourd’hui où perdure - au nom d’idéologies diverses et de religions qui n’ont cessé de maintenir ensemble métaphysique et violences - des guerres qui visent à éradiquer la guerre, et qui semblent plutôt contribuer à mieux la relancer. La révélation chrétienne comme sécularisation devrait alors nous conduire à repenser l’analyse girardienne du sacré comme violence, et du sacrifice comme victimisation d’un bouc émissaire. Tel serait le caractère indépassable de la métaphysique chez Heidegger qu’une simple décision humaine ne saurait permettre de surmonter, autorisant une interprétation croisée entre les mécanismes victimaires et la métaphysique (p. 176). C’est du reste par une mise en rapport « qui saute aux yeux » (p. 185), entre l’idée de la métaphysique comme oubli de l’être et une réflexion sur l’expérience chrétienne étayée sur « l’Introduction à la phénoménologie de la religion » de Heidegger, texte de jeunesse éclairant Etre et temps, que se termine Après la chrétienté.
           
 C’est à partir d’une reprise du titre de son avant-dernier livre Espérer croire  1 que Vattimo introduit à son nouvel ouvrage. Ce titre en effet appelle un commentaire qui clarifie le propos. En italien, Credere di credere sonne de façon paradoxale, croire signifiant en même temps « avoir une foi, une conviction… à propos de quelque chose » et « estimer, penser avec une marge d’incertitude ». C’est ce dernier sens que revêtirait le premier credere du titre, tandis que le second correspondrait à la première acception de credere, au sens religieux de la croyance. Toute la démarche de l’auteur vient alors s’inscrire dans cette estimation probable de notre certitude et de notre foi, ce qu’il résume en rapportant que c’est à la suite d’un coup de téléphone avec un de ses anciens professeurs très croyant, qui lui demandait si au bout du compte il avait encore foi en Dieu, que Gianni Vattimo s’est surpris à lui répondre : « Disons que j’espère croire » (p.11).
           
Marqué par la philosophie contemporaine, de Nietzsche à l’herméneutique en passant décisivement par Heidegger, Vattimo est également un observateur aigu de la postmodernité. Celle-ci est précisément marquée par un certain scepticisme à l’égard de la religiosité, que l’individualisme libéral aussi bien que les déterminismes et collectivismes, notamment marxistes, ont largement étayés. Sous l’influence du néo-thomiste Jacques Maritain, Vattimo dit que, méfiant envers les dogmes de la modernité, il a fait le choix d’étudier la philosophie et en particulier Nietzsche et Heidegger, « critiques les plus radicaux de la modernité ». C’est paradoxalement à travers ces deux penseurs que Vattimo a retrouvé le christianisme, sous la devise Credere di credere.
            

Pour clarifier d’emblée la façon dont il lit Nietzsche, je te dirais que Vattimo signale dès l’introduction que la proclamation selon laquelle Dieu est mort n’est pas une profession d’athéisme, et ne peut l’être, sans quoi Nietzsche resterait précisément enfermé dans un idéal de vérité absolue et un horizon métaphysique ayant la même fonction que le Dieu de la métaphysique traditionnelle. Or Vattimo rattache cette optique nietzschéenne à la polémique
de Heidegger contre la métaphysique qui, depuis Parménide, croit pouvoir saisir un fondement ultime de la réalité sous la forme d’une structure « donnée comme une essence ou une vérité mathématique » (p. 13). À partir de telles prémisses, on pourrait se demander quels liens établir entre ces deux penseurs, la modernité et la foi chrétienne. Selon Vattimo, le monde pluraliste dans lequel nous vivons ne peut se laisser interpréter par une pensée universalisante, comme une structure unique fondée, que la philosophie aurait pour tâche de connaître et la religion d’adorer. 

          
C’est bien le Dieu moral des philosophes, qui est mort depuis Nietzsche, et la métaphysique comme croyance en un ordre stable et nécessaire de l’être, qui s’est achevée avec Heidegger. Dès lors la « renaissance » de la religion à l’époque post-métaphysique devient théoriquement légitime car elle procède d’une ouverture à l’être comme crainte, espérance, projet, autrement dit elle s’effectue au nom de l’expérience de la liberté. Discuter de manière critique les formes que prend aujourd’hui la renaissance du sacré pose selon Vattimo la question centrale de la sécularisation. Le processus moderne de civilisation manifeste une puissance de dissolution du sacré, ce qu’il appelle aussi « affaiblissement de l’être ». Or cette perte est à repenser comme noyau de l’histoire du salut, kénosis  de Dieu, et non plus comme abandon de la religion, mais plutôt réalisation de sa vocation intime.
          
  Or pour parvenir à cette réalisation, une nouvelle forme modernisée d’œcuménisme est requise. S’appuyant sur l’abbé calabrais Joachim de Flore, et sur l’influence majeure qu’il a pu exercer notamment sur Schelling, Novalis et Schleiermacher (p. 55 à 64), Vattimo place les rouages de ce nouvel œcuménisme dans une sécularisation qui ne correspond pas exactement à l’atmosphère de la théologie de Karl Barth ou de Bonhoeffer, et qui en tout cas se distingue explicitement de la position très répandue, aujourd’hui, et fermement défendue dans la culture, qui consiste à concevoir la reprise de la religion comme ouverture au radicalement autre sous la grande influence d’Emmanuel Levinas et du « déconstructionnisme » de Derrida. 

Par ailleurs, Vattimo est particulièrement sensible au fait que le rapport du christianisme avec les conflits culturels en Europe est loin d’être conçu comme un rapport d’apaisement. Tout comme l’existence d’une tradition chrétienne, plutôt qu’un règlement des conflits, apparaît comme un élément même de ces conflits, le rapport entre religion et politique est rarement ressenti comme l’éventualité que la religion contribue « positivement à enrichir et améliorer la politique » (p. 143). La manière dont nos sociétés occidentales ont tenté de résoudre ce double clivage coïncide avec le début de la modernité (Réforme protestante, guerres de religion), et sa poursuite s’effectue comme évacuation de la thématique religieuse du monde laïc. Or le conflit culturel voyant aujourd’hui « impliqués de nouveaux sujets religieux, les cultures différentes qui entre-temps se sont établies parmi nous » (p. 144), nous sommes conduits à nous demander si la solution libérale visant à cantonner la religion dans la sphère du privé, ou du moins dans celle de la société civile, est une solution viable. Ne doit-on pas plutôt considérer que « l’absorption pacifique de certaines cultures différentes des nôtres » a échoué, et que la laïcité de l’espace politique représente « comme une menace et non une condition positive de liberté » ? Selon Vattimo, l’affaire de l’interdiction du « tchador (sic) dans les écoles publiques françaises » (p. 145) est à ce titre emblématique. Notamment parce qu’elle opère envers une identité culturelle « différente, minoritaire, relativement étrangère à une tradition locale plus enracinée ».                 
            En s’appuyant sur le fait que par ailleurs serait quasi unanimement acceptée la présence sourde de symboles chrétiens dans les écoles européennes, Vattimo considère que « l’espace laïque du libéralisme moderne est plus religieux que le libéralisme lui-même et la pensée chrétienne ne sont disposés à le reconnaître » (p. 149). Il serait par conséquent absurde que le christianisme essaye de se positionner dans le nouvel espace des conflits interculturels en se restaurant comme identité forte, et sa « vocation serait plutôt d’approfondir sa physionomie propre de source et de condition de possibilité pour la laïcité » (idem).
            Tel est bien in fine le centre névralgique de l’ouvrage de Vattimo : que le christianisme, en entrant dans le dialogue interculturel, se présente « comme le porteur de la laïcité [...], développe sa vocation laïque [...] ». Cela pourrait se résumer selon l’auteur en un slogan : « De l’universalisme à l’hospitalité », au sens où Derrida, auquel se réfère Vattimo, considère que l’hospitalité ne se réalise que si l’on accepte de se mettre entre les mains de son hôte. Thèse lourde de conséquences qu’entend bien assumer Vattimo, particulièrement aujourd’hui où perdure - au nom d’idéologies diverses et de religions qui n’ont cessé de maintenir ensemble métaphysique et violences - des guerres qui visent à éradiquer la guerre, et qui semblent plutôt contribuer à mieux la relancer. La révélation chrétienne comme sécularisation devrait alors nous conduire à repenser l’analyse girardienne du sacré comme violence, et du sacrifice comme victimisation d’un bouc émissaire. Tel serait le caractère indépassable de la métaphysique chez Heidegger qu’une simple décision humaine ne saurait permettre de surmonter, autorisant une interprétation croisée entre les mécanismes victimaires et la métaphysique (p. 176) ».

             C’est du reste par une mise en rapport « qui saute aux yeux » (p. 185), entre l’idée de la métaphysique comme oubli de l’être et une réflexion sur l’expérience chrétienne étayée sur « l’Introduction à la phénoménologie de la religion » de Heidegger, texte de jeunesse éclairant Etre et Temps, que se termine Après la chrétienté.

25 avril 2010

Je suis allé voir si mon âme est immortelle


Il m'apparaît impossible que la vie humaine,
une fois commencée,
se termine bêtement;
et que l'âme, comme une splendeur éphémère,
sombre dans le néant,
après avoir inutilement été le lieu spirituel
de si riches expériences
et de si douces affections.

Pour moi, mourir ce n'est pas finir,
mais continuer autrement.
Un être humain qui s'éteint,
ce n'est pas un mortel qui finit,
mais un immortel qui commence.
La tombe est un berceau.

La mort n'est pas une chute dans le vide,
mais une montée dans la lumière.
Quand on a la vie,
ce ne peut être que pour toujours.
Mourir, c'est aussi beau que naître.
Est-ce que le soleil couchant n'est pas aussi beau
que le soleil levant ?
Si naître est une façon douloureuse d'accéder à la vie,
mourir ne serait-il pas une façon douloureuse
de devenir heureux ?
                                                                               
                                                                        Doris Lussier

De l'amitié


De l'amitié

manière de parler sans trop de mots,

Belle connivence où présent et avenir

s'enracinent dans une histoire.

Franche complicité qui lève le voile

sur des expériences spirituelles voisines

Étonnant sentiment, résistant à l'éloignement

Grandeurs et misères des amitiés humaines,

Mystérieuse alchimie qui se retrouve

en soi-même comme en l'autre,
Sentier hardi où silence et absence s'entremêlent.

Blessures à la mesure de la profondeur qui ouvre
À l'altérité de l'autre sur un fécond chemin.
Discipline de connaissance et de d'assomption
de l’humaine condition;
Jardin à sarcler où s'éveille l'excédent en soi,
Reflet de la gratuité et de la générosité.

Périple d'un bout à l'autre de l'existence,

Comme l'Étoile des Mages s'arrête au-dessus

de Bethléem et l'amitié devient épiphanie, 
Chemin de révélation de soi et de l'autre.

Amitié sacrée, amitié mystère,                      
Dieu se sert de l'autre pour se dire et se manifester.
Car voir le visage de l'autre, c'est en devenir responsable
ainsi, il ne dort ni ne sommeille l'amical veilleur.


24 avril 2010

Loué sois-tu Personne

Être-là, attendre
espérer la différence.

L'affinité manquante constitue
le nucléus de la relation authentique.
Sans cela il n'y a que travestissement
et stase au même.

Mais il faut aimer pour vivre,
aimer sans posséder;
craindre le retour du même.

Vouloir aller plus loin au risque de se perdre,
de perdre le peu que l'on est.

C'est vers toi que je me tourne Personne,
que je me tourne encore.

Le détachement est douloureux
croire avoir donné 
sans condition,
quel imaginaire
qui n'accepte pas son karma.

Je cherche la faille
Je t'invoque donc O Personne,
d'un abîme à ici.

Et puis après...

Jaillissement de la Parole

Parole qui jaillit
du fond de soi-même,
indiquant vers l'autre rive.

Comment entendre ce
murmure de l'Autre,
ailleurs que dans la privauté?

Écouter
de soi à l'autre;
détaché du même,
emprisonnant.

S'abîmer en soi
où gît,
cette parole qui me constitue
là où je dois être.
Là où,
Je suis.

23 avril 2010

La crise de la notion de religion :



La religiosité humaine en « temps de détresse »



Seule la sphère privée semble victorieuse;
veiller à sa santé, préserver sa situation matérielle,
se débarrasser de ses «complexes», attendre les vacances:
vivre sans idéal, sans but transcendant est devenu possible.
(…) C'est la perte de sens de la continuité historique.

Gilles Lipovetsky, L'ère du vide, p. 57.

Introduction


Faire état de la radicalité de la crise de la religion : aucune approches culturelle ou religieuse ne peut, à elle seule et isolément, offrir une solution satisfaisante aux problèmes de la condition de la religion et au destin de l’humain. Il faudrait découvrir une fécondation du culturel et du religieux en ayant soin d'y inclure les traditions séculières et modernes (« la religion n'a pas le monopole de la religion même si à l'intérieure de celle-ci, elle est un signe prophétique en déclin »). Nous espérons donc une mutation radicale de la réalité de la religion et de la compréhension que l'on en a, dans une perspective d'ouverture à l'avenir. Il s'agit donc d'une expérience nouvelle de la dimension religieuse de l'existence. Cela peut s'envisager en élargissant le concept de « religion », au sens où l'entendait l'historien des religions Mircea Éliade, à tous les humains comme « homo religiosus», symbole de la transcendance-immanence dans l’humain.
L’humain au sens intégral est un être religieux ou, dit autrement, assoiffé d'un toujours-plus, que le catholicisme traditionnel semble avoir mis de côté par rigidité, dogmatisme et peur du changement. La religion de l'avenir ne saurait être une religiosité fermée sur le dépôt de la foi unique et universelle mais avant tout une religiosité personnelle et cosmothéandrique.[1]
L’origine de notre interrogation sur la crise de la religion – due entre autres aux conflits des générations mais aussi à la prédominance du politique qui dans l’islamisme jette de l’opacité sur l’Islam – est perceptible à travers la reconnaissance de l’individualisme et à la prédominance du nihilisme qui nous confrontent au choc de l’hypermodernité[2]
Pour le dire autrement, la réalité actuelle de la notion de religion a comme arrière fond un « temps de détresse » en lequel les nouvelles générations se posent en rupture. Ce qui constitue un fait indéniable et un défi exigeant en terme d’imagination créatrice pour ce qui est de l'avenir !
Dans un premier développement, dans une perspective historique et une prise en compte de la culture contemporaine, il apparaît de bon ton d’identifier les raisons de ce phénomène d’indifférence à la religion inhérent au lieu où l’on se tient.
1. Le problème de l’avenir de la religion n’est pas celui de la religion.
Le premier problème traite de l’avenir de la religion dans le monde occidental. Il présuppose que la religion est une notion  connue et plus ou moins acceptée. Il s’adresse donc à la question de savoir quelles seront les formes et les caractéristiques futures de la religion. Question éminemment sociologique, basée sur une lecture pénétrante des signes des temps. Elle suppose qu’on fasse une extrapolation à partir du présent pour prédire ce que la religion sera dans l’avenir. Mais le présent ne contient pas tout, de sorte qu’en plus d’extrapoler, il faut produire et même imaginer de nouvelles formes ou situations de religion. En dernière analyse, la réponse à cette question relève de la prophétie. Elle tente de prédire ce que la religion sera dans l’avenir. Nous le ferons en prenant compte que nous vivons en « temps de détresse ».           
Le second problème touche à la nature même du concept de religion. La question est de savoir s'il peut s'élargir au point d'inclure les changements possibles ou l'élargissement même de ce type de vie à d'autres formes de vie spirituelle ?  Dans ce dernier cas la notion de religion est soumise à une critique radicale – si radicale en effet qu'elle ne présuppose pas que la religion doive continuer dans l'avenir, du moins telle qu'on l'a connue au long du XXe siècle. Il s'agit donc ici d'une question éminemment philosophique, qui requiert une méthodologie spécifique. Elle sera basée sur une analyse de la condition humaine, à la lumière d'une anthropologie qui ne vient pas strictement du catholicisme, mais plutôt de l'interprétation que l’humain donne de lui-même à partir du vaste horizon des  cultures de l'humanité. En d'autres termes, c'est l’humain ne saurait être détaché complètement de l'interprétation que ce donne ce même humain de lui-même. L’humain, à la différence de toutes autres entités, n'est pas seulement un objet d'étude, mais en plus le sujet qui étudie et s'étudie lui-même. Son auto-compréhension fait partie de son être même.
Voilà pourquoi notre observation du phénomène et notre réflexion sont trop parcellaires pour rejoindre ce qu'est l’humain dans ses profondeurs; d'ailleurs il importe d'intégrer ce que les personnes pensent qu'elles sont. Or, dans la situation intergénérationnelle et interculturelle en laquelle on se tient présentement, cette anthropologie ne saurait se baser sur la conception partielle de l'être humain, selon les données d'une seule culture. Il va sans dire que cela soulève des problèmes importants, puisque cette anthropologie intégrale n'existe pas encore et que, d'autre part, on ne saurait s'en passer si l'on veut réfléchir sur la religion de l'avenir dans le contexte global actuel.
Dans notre contexte catholique, une réflexion philosophico-théologique contemporaine  ne saurait échapper à l'impact de l'hypermodernité et nier qu'il y ait là un problème encore à résoudre. Une chose s'impose donc : celle de la relation entre la «religion» et l' «esprit du temps» (Zeitgeist). Comment la «futurité » affecte-t-elle, la religion ? Notre question porte sur le destin lui-même de ce que – à bon ou mauvais droit – on indique depuis toujours sous le nom de religion. Voilà le problème auquel nous référons ici lorsque nous proposons de méditer sur la «religion de l'avenir» à la différence de la recherche qui porte sur les nouvelles formes de religion. Quelle est la structure temporelle de l'être humain qui nous permet de dire quelque chose sur l'avenir de ce qui, dans le passé, s'est appelé religion ?
La première difficulté surgit quand l'on se rend compte, que le «cela» auquel nous référons. N'est pas «chose en elle-même» mais une réalité existentielle, indépendante des noms qu'elle porte et des interprétations qui en sont données. La deuxième difficulté surgit lorsqu'on prend conscience que nous ne possédons pas (encore?) les catégories universelles pour aborder le problème, car toute religion est contextuelle.
La deuxième difficulté surgit lorsque nous prenons conscience que l'église-institution ne possède pas les catégories pour aborder le problème, à défaut de s'inculturer dans l'hypermodernité. L'erreur méthodologique fondamentale dans le cas de l'analyse de la crise de la religion est de saisir que pour comprendre un phénomène, il faut lui appliquer les catégories appropriées, i.e. celles de notre temps, des sciences humaines, des neurosciences. Dans le cas de l'herméneutique de la religion. 
La difficulté s'intensifie parce que le phénomène de la religion n'est pas un noema ( qui provient du mot grec nous, intelligence mais un pistema, ( qui provient du grec pistis, i.e. foi). Ces vocables n'appartiennent pas au monde de ce qui est pensé mais au monde de ce qui est cru: s'il n'y a pas de communication au niveau de ce dernier, on ne parle plus de la même chose.
L'axiome anthropologique que de telles extrapolations oublient de prendre en considération est celui d'autocompréhension que l’humain a de lui-même, appartient à ce que l’humain est. L'anthropologie n'est pas une science purement objective. Il devient donc indispensable pour parler de religion de l'avenir à moins que la chronique de sa mort ne soit annoncée ! C'est d'analyser ce que peut bien être et signifier la religion dans le contexte pluraliste de notre temps. Quelle est cette «chose» que nous cherchons à redéfinir, sur laquelle nous nous interrogeons ?
2. La religion devient problématique pour la mentalité contemporaine
            Pour des raisons complexes et différentes, la conscience contemporaine trouve qu'une grande partie des dogmes et des préceptes éthiques propres à la religion ne répond plus, selon Max Weber,  à ce que l'on considérait être originellement la fonction de ce type de vie autant dans son versant d'idéaux-types du prêtre, qu'en ses versants de l'ascète ou du mystique pour définir le rapport au  religieux[3], cela concerne directement la référence au salut ou à la libération de l’humain. C'est un fait évident que pour une bonne partie de l'orthodoxie chrétienne le célibat sacerdotal et la religion appartiennent à l'ancienne tradition du christianisme. Mais certains chrétiens modernes résistent à voir un lien essentiel entre la nature même du christianisme et de telles pratiques d'origine culturelle qui relève de mentalités non inculturées à l'hypermodernité.
Ces exemples nous conscientisent au fait qu'il existe une profonde inadéquation entre la religion promulguée par l'institution et l'esprit du temps qui va à contre-courant de celle-ci.  C'est un fait que l'inadéquation grandit chaque jour entre la religion et l'hypermodernité, ce qui est une des conséquences de la crise des religion. Le chrétien contemporain doit faire un effort énorme pour relier l'ensemble des pratiques et des croyances d'une communauté croyante liée à l'église-institution avec la situation critique de la foi à l'époque contemporaine. Sans oublier que pour un grand nombre les vrais problèmes religieux se sont déplacés de la sphère du sacré vers le terrain  du séculier, sans exclure le politique et la technique.
            Dans la société pluraliste, la religion perd sa fonction qui est de donner un sens à la totalité de la vie humaine et devient un fait privé qui se heurte à l'insignifiance généralisée.
2.1 On ne saurait résoudre la crise de la religion par une négation de la religion.
Il est possible que l'une des caractéristiques de l'esprit religieux contemporain soit justement d'avoir conscience de la crise constitutive de la religion et de la religion en général, que tout ce qui nous vient de la tradition doit être passé au filtre, parce que la vie est toujours synonyme de mouvement et de changement. Cela ne veut pas dire que la rupture et l'aliénation (par rapport à notre héritage) soient la solution à la crise. C'est notre conviction que tant et aussi longtemps que l'institution ne se sera pas adaptée à l'hypermodernité elle ne pourra pas offrir de solution satisfaisante à la crise de la religion et des religion, dans un autre registre au destin de l’humain.
            Dans la situation présente où le pluralisme interculturel et religieux est dominant, il faut une fécondation entre les diverses traditions humaines, en ayant soin d'y inclure les traditions séculières et hypermodernes, mais sans tomber dans l'éclectisme ou le syncrétisme trop facile. Le problème de l'avenir de la religion nous offre un exemple de cette situation. On ne saurait résoudre la crise actuelle des religions  par de simples réformes, aussi nécessaires soit-elles. De simples adaptations aux situations actuelles sont insuffisantes parce que les vieilles outres ne sauraient retenir le vin nouveau.
            Un retour aux sources du charisme des fondateurs avec l'intention de les purifier des scories de la patine du temps, aussi important qu'il soit, ne saurait, non plus, résoudre le problème. En conséquence, la crise de la religion ne saurait se résoudre par simple négation du problème, en rejetant tout ce qui est «hypermoderne». Cette négation suppose que l'«a-religion» est l'attitude authentique de l’humain face à la réalité; qu'elle est, en d'autres mots, la vraie religion. Un tel refus, en fait, n'est pas une négation du religieux, mais la négation de ces aspects qui apparaissent négatifs lorsqu'on les regarde à la lumière des critères qui proviennent des autres cultures et traditions, comme par exemple, la culture scientifique et la tradition humaniste: c'est dire que ce rejet est déjà une solution pluriculturelle à l'époque qui est la nôtre.
Même s'il ne faut pas minimiser la différence entre la religion traditionnelle et les nouvelles formes de religion, il est certain que le peu de personnes qui se consacrent et se vouent à de tels types de religion parce qu'ils croient qu'elles réaliseront pour eux la fonction qu'elles promettent: donner le maximum de sens possible à la vie humaine. Autrement dit, la religion dans ce sens est un transcendantal humain, et peut-être qu'elle pourrait être appelée aussi un existentiel, à savoir une façon d'être qui est inhérente à l'être humain, et par conséquent concomitante à toutes ses activités, et non une catégorie ou classe d'êtres ou d'actions de l’humain. En ce sens la religion peut se définir comme la dimension d'ultimité de l’humain. Les diverses façon d'entendre et d'interpréter cette dimension constituent les différentes formes de religion dans leur sens anthropologique et leur cristallisations historiques, ainsi que la religion dans son sens sociologique.
3. La crise de la religion est aussi cause de la crise culturelle
            Parmi les thématiques de cette problématique fondamentale au cœur du christianisme, c'est la fameuse question des relation entre  religion et culture. Je propose sans exprimer un consensus total sur les recherches sur ce thème déterminant qu'on pourrait aisément accepter, avec les qualifications requises, les (3) affirmations suivantes:
a) La religion est un acte culturel
            Nous n'insinuons pas qu'elle soit un fait monoculturelle ni exclusivement culturel dans le but de la faire entrer dans des croyances  extra ou supra-culturelles. Mais cela ne nie pas le fait que la religion est un fait culturel, non seulement  en ses institutions et incarnations concrètes, mais aussi dans sa doctrine et ses intuitions ultimes. De sorte que même dans l'orthodoxie la plus pure d'une religion directement révélée d'en haut comme le christianisme, celle-ci n'aurait aucun sens à moins que le langage divin fusse également un langage intelligible aux humains de son temps. C'e st donc dire qu'elle est un fait culturel.
b) La culture est un fait religieux
            Si l'on exclut la notion de culture, le fait religieux, à savoir sa dimension d'ultimité et sa prétention d'offrir le terrain où l'homme puisse développer toutes ses potentialités,  la culture cesse de devenir culture et devient une simple technique de ses possibilités pour aller rejoindre des fins pré-déterminées. Caque culture prétend être plus qu'un ensemble de technique pour atteindre d'autres fins. Elle aspire à présenter à l’humain les possibilités de son développement intégral à la lumière d'une conception plus ou moins explicite de la culture et de la religion, mais les deux poursuivent la même fin qui consiste à rendre possible l'accomplissement de l'être humain.
c) La culture offre à la religion son langage et la religion offre à la culture son contenu ultime
L'acte religieux serait en mal d'expression s'il ne trouvait pas un langage approprié qui est celui de la culture d'un lieu et q'un temps propres lui offre. Les doctrines religieuses sont toutes tributaires de la situation culturelles dans laquelle elles ont été formulées et aussi perdurent envers et contre tous. Mais simultanément, la culture humaine n'est rien d'autre que la cristallisations des efforts réalisés par l’humain pour atteindre sa fin et des fins intermédiaires.
Le cas de l'Occident en ce dernier siècle, est symptomatique en ce qui a trait à la  à la relation intrinsèque entre la crise de la culture et celle de la religion. Le christianisme traditionnel après le romantisme, s'est complut à critiquer et à condamner l'esprit de la culture moderne dans ses multiples manifestations: science, technologie, rationalisme, modernité, etc. Toutefois, au même moment, les hommes qui avaient le plus d'influence sur la culture moderne la faisait progresser en critiquant la religion et la religion traditionnelle et en rendant presque impossible à l'homme cultivé de la suivre. Culture et religion s'attaquèrent mutuellement et les deux demeurèrent blessées dans la lutte.  L'une comme l'autre sont en crise. L'homme contemporain se trouve dans une certaine impossibilité de croire en utilisant des anciens schèmes, et en même temps la situation culturelle de l'humanité est clairement incapable de résoudre ses propres problèmes. Les penseurs des tendances les plus variées concordent sur le diagnostique et disent que nous assistons à la fin à la fin dune période culturelle de l'humanité.
La culture contemporaine est dans la transe d'une mutation. La religion de l’humain moderne doit aussi subir une changement radical correspondant. La première mutation doit consister dans l'acceptation du mot «religion». Ce n'est pas que son concept doive se démythiser ou se séculariser, mais la situation nouvelle de l'humanité nous a rendus sensibles à l'inévitable pluralisme religieux et culturel, et conséquemment a invalidé tout concept de religion à contenu unique. Cette nouvelle situation cependant, n'est pas encore venu à la lumière; elle se trouve dans une période de gestation, c'est pour cette raison que nous nous trouvons dans une période chaotique. Donc il n'est pas du tout étrange que le symbole de la religion et le signe prophétique de la religion présente des caractéristiques inquiétantes semblables.


4. La religion de l'avenir: une religiosité personnelle et non une seule et unique confession religieuse.[4]
            Pour que la religion soit fidèle à sa fonction, elle ne saurait être un corps étranger dans le complexe culturel où elle vit. Mais cela ne signifie pas qu'elle doive renoncer à son rôle prophétique d'agir souvent au moins comme un élément de qui secoue la société contemporaine. Tant le pluralisme culturel que le pluralisme religieux de l'humanité empêchent cependant de trouver des éléments communs applicables à une situation globale. Précisément parce que la crise de notre temps peut se réduire à la perte plus ou moins totale des mythes[5] de base de notre religion chrétienne, en raison  aussi de la carence d'un mythe unifiant à dimension globale tel que l'unification technologique[6], scientifique et, d'une certaine manière politique, de la planète l'exigerait; précisément aussi parce qu'il n'existe pas cette harmonie culturelle qui permettrait à un tel mythe unifiant d'émerger, la religion de l'avenir est encore loin de se profiler à l'horizon.
            Néanmoins, justement en vertu du caractère radicalement provisoire qui affecte nos considérations, on peut au moins avancer que les nouvelles formes de religion sécularisées ne sauraient consister en un bloc doctrinal ou culturel, ni se réduire à un seul modèle exclusif qui aurait à conquérir ou convertir les nouvelles générations. Évidemment, il est presque inévitable pour l'institution de rêver à la perdurance de la religion traditionnelle et à de nouvelles formes de religions lorsqu'elle est aux prises avec le déclin issu de la crise généralisée des vocation  en Occident. À défaut d'élargir son esprit à l'échelle de l'hypermodernité et d'adapter son langage et son interprétation des évangiles à l'esprit du temps.
            L'élément intrinsèque ici est que, advenant un renouveau total de la religion à travers de nouvelles formes associatives avec des laïcs, par exemple, il importera que des transformation profondes et une ouverture inconditionnelle soient manifestées afin d'héberger, pour ainsi dire, au sein même du christianisme de confession catholique, i.e. «universel» l'immense variété des expériences religieuses et humaines. A supposer que cela  s'effectue ave une conscience sincère inspirée de la mémoire évangélique de la foi chrétienne, cela ne pourra survenir à moins d'exprimer une foi séculariser et enraciner en son temps dans des croyances, des mythes et manifestations variées qui font la beauté du pluralisme à l'intérieur même du christianisme.
            L'élément extrinsèque, c'est que l'histoire des religions démontre que lorsqu'elles croissent au-delà d'une certaine diversité culturelle, les formes de religion se scindent selon une échelle humaine, et plus collée à la réalité concrète de l'esprit du temps en lequel elles prennent figurent.
De la religion à la religion en hypermodernité
            Si l'on tend à une conciliation entre religion et hypermodernité en vue d'atteindre une certaine unité à travers la pluralité, on ne peut éviter de tendre à l'unité religieuse. Mais cette unité ne signifie pas uniformité, mais harmonie; elle n'implique pas un seul dogme mais un seul mythe, à savoir un horizon commun, non vu mais seulement cru. Ce mythe ne saurait être la création consciente d'aucun individu. C'est pourquoi, il n'est pas question ici d'organisation. Le premier caractère de cette religion de l'avenir me semble être ce qui souligne son aspect personnel. On l'appellerait religiosité. Quand nous disons personnel, nous ne disons pas individuel ou individualiste; l'idée est de souligner l'aspect relationnel de la religion avec tous les autres aspects de la réalité.
            Dans cette perspective l'aspect personnel de la religion – il faut se souvenir que pour la scholastique chrétienne  la religion était une vertu – nous voulons donc indiquer le caractère essentiellement libérateur de la religion de l'avenir: la conciliation de la personne et des peuples. Afin que les personnes et les peuples ne soient victime d'un «système» ou d'une «institution» , à savoir un état de chose plus ou moins contraignant, rigide et fossilisé. Ainsi la religion comme dimension personnelle rend l’humain conscient de sa place dans le monde, dans la société et aussi de sa dignité inaliénable. La religion devient alors, espace de liberté de pensée, ce qui libère l’humain de son aliénation. Elle pourra être un organisme, mais pas une organisation. La vie l'esprit, sont l'âme d'un organisme, alors que l'organisation trouve sa force de cohésion dans un idéal extrinsèque à un système légaliste en porte-à-faux aux valeurs évangélique qui doivent être inculturées dans l'hypermodernité.

Car ce qui est en jeu ici, c'est de demeurer avec la conscience éveillée, conscients que nous entonnons des notes différentes dans la même symphonie et que nous cheminons par des sentiers nombreux et divers vers la même cime. La foi c'est cela: l'expérience de la symphonie des croyants, qui laisse entrevoir le sommet, tout en étant attentifs à l'instrument qui est nôtre, et en ayant soin de ne pas nous perdre en route. Cela pour une raison bien suffisante celle du maintient de la cohésion religieuse avec le transcendant, avec l'horizontal ou l’humain, avec la base ou le terrestre et ce qui est matériel. Mais cette relation est fondamentalement personnelle et et seulement secondairement collective et objectivable dans des doctrines et des comportements.  La religion se présente donc comme la religiosité personnelle, comportant autant d'expressions qu'il y a de personnes. Les institutions continueront, mais l'institutionnalisation ne cherchera pas à suffoquer la marge de liberté et d'interprétation personnelle, et la fidélité religieuse sera moins centrée sur la discipline requise à l'intérieure de l'institution que sur l'obéissance à la conscience personnelle. Les institutions elles-mêmes ne pourront être exclusives ou totalitaires.
On aura raison de dire que la religion authentiquement chrétienne a toujours été considérée comme une vertu personnelle. La nouveauté de la religion à venir consistera plus que tout autre chose dans la reconnaissance de la pluralité légitime des interprétations qui élargissait la marge d'une telle liberté jusqu'au niveau même de la personne. La religion est personnelle dans le sens qu'elle n'est pas nécessairement liée à une cosmologie, ni à une métaphysique, ni donc à une interprétation doctrinale. La religion est une caractéristique de la personne: et même si ses caractéristiques, sens avantages, sa beauté, sont indiscutables, on n'y doutera jamais que ce sont là des caractéristiques de la personne. La religion se transforme alors en religiosité, c'est-à-dire qu'elle unie à la personne comme son mode expansif d'être et de vivre, de façon à réaliser son être et à remplir sa vie. La religion de l'avenir n'est pas dans la religion instituée mais dans l'avenir de l’humain lui-même, dans sa religiosité constitutive.
Il importe en terminant de souligner qu'il existe une différence fondamentale entre la religion personnelle que nous défendons et la religion individuelle ou individualiste que je considère insuffisante. Une religion est un peu moins qu'une contradiction dans les termes,, parce que la religion est un aspect de l’humain en société et un facteur sociétal élémentaire. La religion personnelle au contraire souligne le rôle unique de chque individu dans l'ensemble des rapports personnels et autres relations qui constituent la religion. Une religion individuelle appui une interprétation individualiste de l'ensemble des pratiques et des symboles d'une confession dogmatique et rigide. Tandis qu'une religiosité personnelle, quant à elle,  souligne une interprétation globale dont mon point de vue fait aussi partie intégrante. Elle exige une méthode dialogique pour discuter de la réalité e ne se contente pas d'une méthode apologétique qui, en réduisant au silence mes objections, peut-être une mascarade de conquête drapée dans l'acte de convaincre.
5. La religiosité de l'avenir sera cosmothéandrique[7]
            La religiosité de l'avenir sera cosmothéandrique. Qu'est-ce qui nous fait affirmer cela? L’humain n'est pas l'unique réalité, mais il en est un pôle irréductible, et, en tant que tel, il est, en même temps, centre de toute réalité. Si les religions traditionnelles ont déplacé le centre vers le Divin, et les religions modernes vers l’humain, peut-être qu'après toutes les vicissitudes séculaires, pourrons-nous arriver à une conception plus mature de l'univers entier.
            Le mot suggéré que je reprends à Raimon Panikkar, est celui d'une spiritualité cosmothéandrique. Cette expression signifierait ce qui suit: la religion de l'avenir ne saurait être exclusivement théocentrique ni anthropocentrique, mais doit harmoniser les trois dimensions ultimes de la réalité: a) l'aspect matériel et corporel de la réalité avec: b) les divers aspects de l’humain et ses activités, et, également, ces deux derniers avec c) la reconnaissance du principe mystérique, divin ou transcendant, garantie d'une liberté sans manipulation aucune. L’humain n'est pas un être de plus parmi les choses, mais il n'est pas non plus le seigneur et le patron de l'univers ou de la nature comme tentent de nous le faire croire la science. Dieu n'est pas un être absolu dissocié de la réalité, laquelle, aussi, existe réellement. Le monde matériel n'est pas une simple projection d'une conscience  infinie ou finie mais possède sa propre consistance. La religiosité de l'avenir ne saurait plus être un simple cri vers la transcendance ou une simple spiritualité immanente. Elle doit reconnaître l'irréductibilité des ces trois pôles de la réalité, changeant par là le sens unilatéral du concept de religion. La religion va certes continuer de « religare », non exclusivement l’humain à Dieu, mais aussi à l'univers entier, et par là même le découvrant dans sa cohésion et son sens.
            Si une hypothèse est correcte, à savoir que l'époque de la spécialisation est arrivée à son terme et que l'humanité cherche de nouveau une conception holiste de la réalité qui surmonte les compartiments rigides sans tomber dans un primitivisme amer; s'il est certain que les clôtures culturelles et les religions sont condamnées à la stérilité, la spiritualité de l'avenir ne peut être ni la spécialisation de quelques uns, ni le refuge dans la sphère dite du numineux ou du sacré, mais elle doit imprégner toute la réalité.
            La religion devient de nouveau centrale dans la vie humaine, mais sans rien dominer, parce qu'elle se limite à maintenir le lien, la cohésion entre toutes les sphères de la réalité et c'est pour cela qu'elle n'est exclusivement liée à aucune institution spécialisée. Le logos n'est donc pas mis en exil mais le mythos récupère sa place. Le lien est l'Esprit qui remplit la face de la terre.



[1] C'est-à-dire qu'elle n'est ni strictement théocentrique ni anthropocentrique, mais doit harmoniser les trois dimensions ultimes de la réalité: a) l'aspect matériel et corporel de la réalité avec: b) les divers aspects de l’humain et ses activités, et, également, ces deux derniers avec c) la reconnaissance du principe mystérique, divin ou transcendant.
[2] Le concept de postmodernité avait pour défaut de nous faire croire que nous étions sortis de la modernité qu’une rupture réelle avait eu lieu . Or, nous ne pensons ni ne vivons en dehors de la modernité, nous ne faisons qu’en approfondir les enjeux les plus profonds, et c’est pourquoi la notion « d’hypermodernité » permet de mieux penser les nouveaux rapports des individus contemporains à l’égard d’autrui et d’eux-mêmes. Penser l’hypermodernité, c’est comprendre la relation nouvelle entretenue par chacun à l’égard de son statut social, religieux et de son temps, de plus en plus marqué par une logique consumériste qui évince la sphère du religieux. C’est aussi comprendre ce que nous réserve ce futur hypermoderne dont la complexité est à la fois de nous promettre le meilleur et de nous faire anticiper le pire.
[3] Max Weber, Économie et société, Tome I, Paris, Plon, 1971.
[4] Ce développement s'inspire largement de R. Panikkar, « Colligite Fragmenta: For an Integration of Reality », in F.A. Eigo et S.E. Fittipaldi, From Alienation to at-oneness. Proceedings of the Theology Institute of Villanova University.
[5] Le mot mythe, dans l'usage que j'en fais est utilisé non au sens conventionnel de ce qui est irréel , mais de « ce qui nous permet de trouver le sens des choses sans être le sens même des choses». C'est « l'horizon dans lequel se situe l'intelligibilité et le sens. « Phénoménologiquement », le mythe c'est ce en quoi tu crois sans croire que tu y crois ».
[6] Ainsi qu'en témoigne de façon remarquable le texte inédit du théologien français Gabriel Vahanian, «Nature, histoire, technique: l'expérience de Dieu», 1982.
[7] Voir à ce sujet l'ouvrage fondamental de Raimon Panikkar, The cosmotheandric experience : emerging religious consciousness, New York : Orbis Books, 1993.

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