9 avril 2010

Mourir debout

Il est triste de voir que la colonne vertébrale ne se tient bien droit que sur la croix. (Stanislas Gerzy Leç)

Par sa mort le Crucifié dit son état de séparation, le destin qui est le nôtre. En sa mort aussi, il témoigne de ce qui ne saurait mourir. L'immobilité de son repos, c'est la force du plus fort que lui qui l'énonce. Et pourtant, on ne vient pas à bout de qui meurt debout. Même si la croix, c'est le refus d'imposer à l'intelligence les facilités du coeur. Car la croix est à la fois excès qui déracine et déporte et puis repos de qui abandonne au corps son esprit absorbé par l'Ouvert qui l'habite.

L'esprit se recueille dans le corps dressé en croix dans un ailleurs qui n'a plus de mots pour se dire. Ici aussi, il est juste de se rappeler qu'on ne demeure qu'en passant. Ainsi rassemblé en soi par la douleur et l'ignominie, le Crucifié dit la dispersion du temps qu'il rachète, la genèse réciproque de l'humain et du divin là où les opérations divines sont le plus banales où prend visage ce qui n'en a pas. C'est là, la perfection de la contingence. Le Crucifié y éprouve la mystérieuse affinité entre Dieu et la mort. Dieu qui laisse être au point de ne paraître plus rien, de s'identifier à ce rien de banalité et d'atrocité qu'est un corps qui pend à la croix.

Le bonheur, c'est une quête impossible si il exclu la souffrance, parce que sans la souffrance il n'y a pas de joie et sans joie, la quête du bonheur devient la formule vite usée d'un effet de surprise bientôt dissipé qui ne peut jamais remplacer une sensibilité soucieuse de qui ne sera jamais deux fois. 

Mourir debout qu'est-ce que cela fait comprendre de ce qu'on a l'habitude d'appeler la foi. Peut-être ceci, que croire c'est moins avoir pitié de son Dieu qu'être habité par un excédent en lequel on se tient.

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