16 mai 2013

Quelques points de repères et distinction entre bioéthique et éthique clinique



Notre démarche vise à favoriser
le meilleur soin au patient dans un contexte difficile.

Hubert Doucet[1]

             La justification de ce qu'on appelle, depuis le début des années 1970, la bioéthique, réside dans l'inquiétude diffuse devant l'accélération des progrès technoscientifiques qui, notamment dans le domaine biomédical, paraissent menacer l'humanité de l'homme. Les pouvoirs accrus nés des avancées du savoir biologique mettent en évidence la fragilité et la vulnérabilité de ce qui est humain, mais tout autant de ce qui relève du vivant en général. D'où le sentiment que la position de limites est d'une extrême urgence. La peur a conduit à la conscience d'une responsabilité nouvelle des hommes vis-à-vis de leur nature comme de la nature, c'est-à-dire de la biodiversité.

     L’éthique clinique n’est pas une science ou une technique, elle n’est qu’une discipline philosophique qui se vérifie dans l’exercice du jugement pratique en situation d’application de valeurs qui orientent des recommandations en vue de la prise de décision malgré l’incertitude.
       L’éthique renvoie à une logique de l’agir, à une sagesse pratique et, de ce fait, elle nous permet de distinguer que le savoir et le savoir faire, « le know how »  de par l’écart pratique qui les distinguent,  indiquent vers l’agir prudentiel.
       Il s’agit concrètement de distinguer ce qui s’apprend (éthique fondamentale) et ce qu’il faut faire (éthique appliquée : [clinique dans notre cas]. On serait tout à fait en droit de se questionner ainsi en éthique clinique : « quoi faire pour bien faire ou comment s’orienter vers la « visée juste »? » La question demeure en raison de l’incertitude toujours présente.
       L’éthique clinique dans sa dimension de relation d’aide a pour but de réveiller le sujet de son « corps-machine » (c’est-à-dire le corps qu’il a), de l’encourager à réinvestir le corps qu’il est. Donc d’engendrer à elle-même la personne, à sa capacité à discerner les dilemmes et s’ensuivant à la prise de décision rationnelle fondée sur la faculté de juger et l’importance de la pratique dialogique dans le jugement éthique.

La distinction entre bioéthique et éthique clinique

Hubert Doucet écrit : «  On peut remarquer une absence de congruence entre les modes du travail médical et celles d’un comité interdisciplinaire. Les articles de Mark Siegler, à la fin des années 1970, critiquant sévèrement la bioéthique et proposant le développement de l’éthique clinique, en témoignent clairement.[2] Cette absence de congruence est aussi clairement exprimée dans le premier article publié par le Journal of Clinical Ethics et co-signé par Siegler, Pellegrino et Singer.[3] Pour cette école de pensée, l’éthique clinique naît en réaction contre la bioéthique qui s’impose alors; cette dernière est insensible à la réalité clinique et ignore ce qu’est réellement le travail quotidien du médecin dans sa relation avec le patient : L’éthique biomédicale est une discipline plus large qui consiste à appliquer les principes éthiques à l’ensemble du savoir biomédical et à étendre l’analyse éthique de la rencontre clinique aux domaines légal et politique.[4]


La bioéthique : est essentiellement un terme général qui désigne l’éthique du vivant et son sens moral dans le vaste domaine de la médecine : éthique clinique, éthique de la recherche, théorie de la connaissance bioéthique, délibération bioéthique, génomique, euthanasie. La bioéthique ne se confond pas avec l'éthique clinique. Elle doit être repensée comme éthique de la vie ou du vivant, et rejoindre ainsi le souci écologique. Loin de se réduire à une morale humaine, trop humaine, elle est vouée à s'accomplir dans une perception inséparablement éthique et esthétique de la nature. Tel que décrit par l’Organisation mondiale de la santé, la bioéthique traite des questions liées à la gestion de la santé et aux soins de santé, au bien-être des animaux ainsi qu’aux problèmes écologiques. Elle englobe également les domaines tels que la philosophie de la science, la  biotechnologie, la politique, le droit, la médecine et la théologie.   

L’éthique clinique : aborde le processus décisionnel éthique axé sur le patient. Une articulation de la bioéthique, l’éthique clinique et l’éthique médicale sont souvent utilisés de façon interchangeable. Ce domaine de l’éthique étudie différents jugements, tels qu’ils s’appliquent à la pratique clinique de la médecine et pour le dire autrement du « prendre soin » de l’autre. L’éthique clinique est donc un système de principes régissant la conduite professionnelle à l’égard des patients et de leur famille.  Concrètement, « c’est l’éthique appliquée aux relations d’aide qui posent questions dans la singularité de leur cas. Dans cette perspective, l’action consiste à accompagner des sujets affrontés à leur propre souffrance et à leur proposer à cette occasion de les assister dans leur travail d’auto-engendrement »[5] qu’ils soient intervenants ou patients.



[1] « Pour des consultations éthiques appropriées aux pratiques cliniques » in Bioethica Forum / 2008 / Volume 1 / No. 1, p.52.
[2] Siegler M. “Clinical Ethics and Clinical Medicine.” Archives of Internal Medicine. 1979; 139 pp. 914-915.
[3] Siegler M. et all., “Clinical Medical Ethics” The Journal of Clinical Ethics. 1990; 1 (1) pp. 5 9.
[4] Ibid., 1990; 1 p. 5.
[5] Voir là-dessus, J.-F. Malherbe, Sujet de vie ou objet de soins ? Introduction à la pratique de l’éthique clinique, Montréal, Fides, 2007. Pour cette remarque les pp. 381-449.

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