23 août 2009

Passer et demeurer en temps d’indigence

Invitation

Les poèmes sont des projets d’existence.
Paul Celan, Le Méridien, p. 64.


Au moment où nous reconnaissons notre condition transitive – en ce temps d’indigence qui est nôtre -, nous pouvons nous essayer à « demeurer » c’est-à-dire, (être-dans) cet environnement qui deviendra pour nous un « monde » en lequel nous ne sommes qu’en passant (être-vers). Des individus qui ont compris une fois entre toutes que « la relation consiste en un certain transit » . C’est dire à quel point, notre demeure est passage, qu’on ne demeure qu’en passant!

Ce lieu de passage se présente comme le lieu d’une éclaircie, de ce qui est la réalité de sujet tendu vers son humanité mais primairement en déréliction dans le monde, où ce se conjugue au présent, l’Ouvert de l’a-venir, du dévoilement. Ainsi est-il possible de conjuguer le sujet de l’agir avec l’altérité qui le constitue là où il doit être. Afin de parvenir à une pensée unitive qui, nous libérant des dualismes, nous permet de transiter du singulier à l’universel. 

En d’autres termes, essayer de faire tant soit peu de chemin, les yeux fixer vers cette unique direction; escomptant que cet environnement devienne un moment approprié de réflexion sur et dans ce qu’on appelle s’orienter dans la pensée et en conséquence parvenir à comprendre l’autre en tant qu’autre dans la libre discussion.

Accepter de marcher sans savoir où l’on va, c’est là une condition d’acheminement, à l’intérieure de laquelle, nous tentons d’examiner la situation de l’identité et de la différence dans notre culture. Une différence incluse dans l’altérité mais aussi une altérité de relation encore plus constitutive de la perception au passage du visage de l’autre et de la trace laissée en aventure d’histoire. 

Comment relever la trace qui se donne à déchiffrer comme origine du sens? Peut-être en s’éprouvant au travail de dépossession qui donne l’occasion de parvenir, tel un marcheur — qui bien que conscient de l’imperceptibilité du terme —, persiste tout de même, chemin faisant, à comprendre ce qu’il est et de cet excédent en lequel il se tient.

Installé dans la matière puisque toute forme n’émerge que de son fond, il serait plaisant et enrichissant pour chacun de percevoir « en passant » des affinités qui à défaut d’être électives laisseront possiblement éclore des complicités dans la traversée d’une telle aventure dialoguale. 
Ce qui importe, c’est que le contact s’établisse, qu’une attraction nous retienne et que se constitue, de ce fait, un espace de dialogue, en lequel on apprend de l’autre à s’ouvrir à sa propre dimension d’altérité, constitutive de nous-mêmes.

Pour comprendre notre proposition, voici une méditation tirée de la quatrième partie du célèbre Discours de la méthode de Descartes :

Imitant les voyageurs qui se trouvant égarés en quelque forêt, qui ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d’un côté tantôt de l’autre ni encore moins s’arrêter en une place. Mais marcher toujours le plus droit qu’ils le peuvent vers un même côté, et ne point changer pour de faibles raisons, encore que ce n’ait été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir; car par ce moyen, s’ils ne vont justement où ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d’une forêt.

2 commentaires:

  1. Si, vivants, « en transit », nous passons inévitablement de la conception au trépas, notre humanité se tisse dans nos interactions sociales. Fort nombreuses et parfois des plus complexes, le dialogue est l'une d'entre elles. Il présuppose, implicitement, mais pas nécessairement, le face-à-face et, toujours, l'échange bilatéral dans un certain contexte existentiel.

    Ceci dit, de quoi allons-nous parler ?

    A+

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