9 avril 2010

Pâques et la lumière du soir

La méditation que je poursuis sur le Crucifié rappelle que croire, c'est être habité par un excédent en lequel on se tient. Demeurer, habiter, être-dans et d'autre part passer, être-vers sont en constante tension. C'est la tension même de l'existence puisqu'exister, c'est justement se tenir dans un excédent qui ouvre à ce que nous ne sommes pas encore et qui pourtant nous concerne, par exemple nos possibles sans lesquels il n'y a pas d'avenir. Il ne s'agit pas dans tout cela d'un certain rapport thérapeutique à l'existence. Comme si exister devait signifier justement ne pas exister, c'est-à-dire refuser l'excédent qui constitue le fait même de l'existence.

S'ouvrir à l'existence, passer, c'est être habité par un excédent en lequel on se tient, c'est-à-dire demeurer. Et cela est aussi vrai du Ressuscité, du moins, comme nous l'indique le récit des disciples d'Emmaüs au chapitre 24 de l'évangile de Luc. Ce récit qu'est-ce qu'il célèbre? Il célèbre la perfection de la contingence, quand la rencontre apparemment fortuite sur le chemin se change en reconnaissance. Il faudrait dire une double reconnaissance, la reconnaissance du Ressuscité bien sûr, mais aussi, la reconnaissance du geste qui le fait reconnaître aux yeux des deux disciples: la fraction du pain, c'est-à-dire l'eucharistie. La tombée du jour, dans cette perspective, c'est vraiment l'heure  d'Emmaüs et de la fraction du pain qui se muent en action de grâce pour celui qui demeure auprès des siens qu'en "passant".

La lumière du soir révèle Pâques dans son mystère. C'est au soir que se découvre le matin des choses, alors que la lumière n'aveugle plus mais embrase de ses rayons tout ce qu'elle touche. Le Ressuscité n'est pas un miraculé, la lumière de Pâques éclaire le sentier de l'existence parce qu'elle éclaire la croix. C'est dire que le mystère pascal ne se limite pas à Pâques seulement, il surgit comme mystère de l'attraction qui unifie la croix et la résurrection.

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