15 mai 2010

L’influence spéculative de Maître Eckhart


Introduction
Exercer sa réflexion sur l’influence d’un philosophe médiéval peut sembler téméraire, et même prendre les atours d’une tentative régressive ou éculée, si elle ne s’inscrit pas dans les tendances dominantes d’une interdisciplinarité qui, à défaut d’être authentiquement effective, est invoquée à tout vent. C’est peut-être le cas de la perception illusoire qu’ont certains de nos contemporains sur la diversité des discours philosophiques, diversité qui ressemble à une sorte de  « torrent de surspécialisation épistémologique». Cette tangente n’est-elle pas erronée d’entrée de jeu ? D’ailleurs, n’est-ce pas ce genre d’idée qui mène au risque d’occulter le procès de la conscience propre à l’histoire de l’esprit dans ses manifestations ?
Nous ne prétendons pas innover dans ce parcours. Seulement, il nous semble justifié de conjuguer, dans la rigueur du discours et la vigilance du détail, le dévoilement d’un certain style de pensée et les traces spéculatives laissées par Maître Eckhart chez des penseurs ou écrivains de sa postérité avouée ou inavouée!
Notre méditation se présente comme un procès de reconnaissance des moments de l’histoire de la pensée où une certaine influence eckhartienne s’est fait ressentir tant au niveau des idées, des concepts que du langage. Le premier moment est celui où l’on s’applique à présenter le point de départ contextuel – historique, intellectuel et spirituel : d’où parle le Maître allemand ? Un deuxième moment, rétrospectif en lui-même, opérera les corrélations conceptuelles possibles d’après l’influence rhénane perceptible à même des philosophes modernes et contemporains. Ces philosophes sont incontournables pour quiconque comprend l’opposition entre pensée méditative et pensée calculante, à l’âge technicien de la mort de Dieu, alors que l’esprit est réduit en cendres par le retour sournois d’une économie métaphysique dont le capital technicien ne se comprend que par une aporie qui manque la pensée.

Contexte : une aventure d’histoire

Si l’aventure de l’esprit se mesure à son effectuation et non strictement à sa dimension spéculative, il semble essentiel, le temps d’un bref retour sur l’histoire  de la pensée, de se rappeler l’influence d’un auteur qui fut, à l’instar de son temps, trop négligé et presque ignoré mais qui, aujourd’hui, semble regagner la faveur des historiens de la philosophie et de la théologie. De Maître Eckhart, le Thuringien (1260-1328), on a pu dire avec raison qu’il n’est rien moins que le Dante allemand et le plus éminent représentant du mouvement spéculatif allemand du XIVe siècle aux côtés du Magister Albert le Grand ou de Dietrich de Freiberg. Maître Eckhart semble être de retour et suscite, depuis au moins deux décennies, un surcroît d’intérêt, pour ne point parler d’un certain engouement.  Il est vrai que son œuvre est de telle ampleur qu’elle a de quoi séduire logiciens et philosophes aussi bien qu’adeptes des expériences spirituelles. Et cela bien au-delà des limites du christianisme dans lesquelles Eckhart voulut toujours se situer en dépit des soupçons d’hétérodoxie qui l’accompagnèrent au long des siècles, soupçons qui motivèrent un procès de son vivant et une condamnation post-mortem par les autorités ecclésiastiques. En sorte que cette œuvre, qui attend encore une réhabilitation dans sa communauté d’origine, ne cessa d’être évoquée par les tenants d’autres sagesses – orientales surtout – même si n’en sont alors retenues que quelques bribes détachées d’un ensemble qui leur confèrerait sens et rigueur.
Maître Eckhart fut à la fois métaphysicien et mystique de grande venue, professeur renommé et prédicateur infatigable, poète sublime et homme d’action. Il enseigna par deux fois à la prestigieuse Université de Paris, y engagea la rédaction en latin d’un ouvrage savant, L’Opus tripartitum, dont il ne reste que l’architecture grandiose et quelques fragments. Il fut à Cologne l’un des successeurs d’Albert le Grand dans la charge de régent des études au Studium generale, établi par les dominicains en cette ville. Administrateur et responsable apprécié dans le cadre de son ordre religieux, il eut surtout charge de gérer, dans le premier quart du XIVe siècle, nombre de monastères de moniales dominicaines. C’est principalement à leur intention, selon toute vraisemblance, qu’il prononça au long de ces années les fameux « Sermons allemands » que l’on transcrivit et colporta avec passion, et que seule la critique la plus récente a pu, sept siècles plus tard, fixer dans une version assurée.
Ce philosophe est salué par Hegel et Heidegger comme une influence certaine sur la formation de la pensée allemande, et reconnu par Hoffmeister dans son Wörterbuch der philosophischen Begriffe comme un forgeron de la langue philosophique allemande. Il est aussi un des précurseurs de la critique de l’ontothéologisme débattue lors des fameuses Questions parisiennes de 1302-1303 et impliquant, en filigrane, une annonce du dépassement de la métaphysique occidentale. Dépassement, dis-je, et non pas destruction! N’oublions jamais que le souci de l’être est un exercice de vigilance de toujours à toujours. Et que la fonction « méta » en philosophie, loin de référer à un simple au-delà des choses, est un exercice de la conscience herméneutique qui se reconnaît, en rupture avec l’ontologie métaphysique parvenue à son apogée dans l’instrumentalisation de la raison par la technique via le vecteur de l’économie de marché, sous sa forme la plus perverse.

Maître Eckhart, un génie spéculatif et existentiel incomparable, il fut et demeure ce point-source pour certains courants de la pensée moderne et contemporaine, en raison principalement du maniement de certains concepts et de l’usage dialectique dont il sut faire preuve dans l’exercice d’une pensée méditative sur l’essentiel vécu et intelligé par l’homme.

Situer Maître Eckhart dans l’espace médiéval d’où il émergea n’est pas chose aisée. Il faut tout d’abord se rappeler qu’il y avait une grande effervescence intellectuelle en Europe depuis le XIIIe siècle en raison de l’activité spéculative générée par l’Université de Paris et le Studium Générale de Cologne illustrée par nul autre que Albert le Grand. Notons aussi que ce n’est qu’un siècle plus tard qu’une effervescence spirituelle d’égale ampleur se produisit, et en laquelle Eckhart eut maille à partir : il ne fut pas à l’abri des jugements et condamnations. À en croire un historien du XIXe siècle, August Wundt , il faut d’abord comprendre le phénomène du panthéisme au Moyen Age pour bien situer Eckhart. Ce dernier, ayant fait l’objet d’une bulle de condamnation, en 1329, portant sur des propositions douteuses voir même panthéistes, ne peut pas être compris en dehors de ce contexte. Mais ce qui est plus probable, c’est qu’il aurait subi l’influences des béguines, groupe de femmes laïques pieuses et ordinairement cultivées, adonnées à une certaine « vie spirituelle » marquée par une forte expérience mystique – et se tenant en marge de l’institution.
Controverses, procès, condamnations même, ne manqueront pas de les frapper. Dans ces creusets furent forgées des personnalités remarquables, tant par la qualité de leurs expériences que par la beauté de leurs écrits. On peut nommer Hadwijch d’Anvers. Ou Marguerite Porète qui ne fut pas sans influence sur Maître Eckhart via son grand livre Les Âmes simples et anéanties. De même, des groupes d’hommes, connus sous le nom de « Frères du libre esprit », se sont associés sur le même modèle et ont été sympathiques aux courants spirituels marginaux du temps en certaines occasions. Toutefois, la proximité des thèmes eckhartiens avec ceux des Frères du libre esprit – auxquels il s’opposera lors de son séjour strasbourgeois, à partir de 1313 – ne pouvait que l’inciter à les exposer avec plus de précision et force de conviction, sa liberté intérieure ne sachant se laisser arrêter par des caricatures et ne connaissant d’autres limites que celles qu’elle tire de ses propres exigences.
Malgré l’effervescence des groupes spirituels populaires, l’époque est des plus troublée par les querelles politiques entre le Pape et l’Empire, et les tensions théologiques entre franciscains et dominicains (ontologie de l’esse versus ontologie de l’intelligere). Le Pape, souvent d’origine française à l’époque, demeure à Avignon. Et ses confrontations politiques avec le roi de France et les ducs de l’Empire ne sont pas sans influences sur son gouvernement.
L’évaluation des écoles théologiques est soumise au jeu d’options politiques, mais aussi aux quêtes de pouvoir à l’intérieur de l’Église. Un évêque ne se gênera pas pour protéger ou mettre au ban un théologien si cela peut lui mériter les faveurs de son suzerain. De même, on devine aisément derrière le jeu des accusations et des condamnations, les rivalités entre les communautés et leurs théologiens. Faut-il mentionner, par exemple, la présence à Avignon du franciscain Guillaume d’Occam – le fameux nominaliste, initiateur, entre autres, du courant de philosophie analytique – au moment même où les accusations contre Eckhart sont en préparation. Occam avait lui-même été convoqué pour répondre de ses positions et il ne se gênera pas  pour plaider la cause franciscaine. La situation politico-religieuse explique bien les accusations formulées contre le Maître allemand et permet de suspecter fortement la légitimité de ces condamnations.
Dès son accession à la maîtrise en théologie à Paris en 1302, Maître Eckhart établit avec force et concision l’axe principal de sa théologie, à savoir que Dieu est non pas d’abord Être mais Intellect et Intellection. Ses Questions Parisiennes no 1 et no 2,  lieu précis de cette initiative en rupture délibérée avec ses contemporains, constituent l’irremplaçable clef à toute sa pensée, y compris et surtout pour ce qu’on nomme sa mystique. On y trouve, de cet ontothéologisme qui venait de se formuler dans la grande Université d’Occident, la première et la plus vigoureuse critique et, ce, plus de six siècles avant Heidegger. Ici, Eckhart installe le thème de la pensée intellective au pinacle de toute son œuvre théologique et philosophique, et avec tant de maîtrise que la grande philosophie allemande ne pourra pas l’oublier. Toutefois, chez la plupart des théologiens parisiens et en dépit de l’opposition d’Eckhart, la théorie d’un Dieu Être plutôt que Pensée[4] devait se prolonger longtemps encore, avec son relent rédhibitoire de méfiance pour la noétique et l’épistémologie.  Ce qu’au contraire la future philosophie moderne allait privilégier.

Nicolas de Cues

En déroulant le cours du temps, on rencontre le Cardinal humaniste Nicolas de Cues, personnage de vaste culture et d’ampleur insolite. A mi-chemin entre le Moyen Âge et la Renaissance – il vécut de 1401 à 1464 –, il fit à sa façon revivre en sa personne le double modèle du théologien-penseur et du mystique-homme d’expérience. Ses recherches logiques portant sur la « coïncidence des termes opposés » représentent un maillon de la chaîne ininterrompue qui, de Maître Eckhart à la grande dialectique du début du XIXe siècle, ouvrent l’univers de réflexion à l’efficience du tiers terme, compris dans son inexistence même et dans la force négative de son pouvoir médiatisant : « fond sans fond » où s’abîme tout substantialisme et d’où renaît la possibilité d’unifier sans confusion l’Un lui-même et le multiple. Ses deux ouvrages principaux, De la docte ignorance (1440) et L’Apologie de la docte ignorance (1449), se situent dans la droite ligne d’une mystique spéculative qui donne le pas à l’intellect et au paradoxe de son déploiement négatif dans l’atteinte par l’homme de sa réalité ultime. L’on sait que Nicolas de Cues pratiquait les écrits du grand mystique Rhénan et qu’il disposait d’un exemplaire de la fameuse Verteidigungsschrift (le texte de défense) issue du milieu colonais. Lorsqu’on lui reprocha de se référer ainsi à une pensée explicitement condamnée, il eut le courage de rejeter l’argument, affirmant que Maître Eckhart avait été mal compris de ses juges. Une opinion qu’un siècle après les événements pouvait se permettre d’exprimer ce prince de l’Église. Aujourd’hui encore, on la reçoit néanmoins comme un propos isolé, exprimant certes la continuité d’une trace historique, mais signant aussi bien le maintien de sa marginalité.
Du XVIe au XVIIIe siècle
Les trois siècles suivants, du XVIe au XVIIIe, se signalent par une sorte d’effacement de toute référence explicite à la pensée et à l’œuvre du Thuringien. On peut cependant, sans se livrer à des extrapolations indues, noter la permanence d’un esprit qui prend parfois la figure de reviviscences étonnantes. Évoquer ici le nom de Luther ne va pas sans soulever une certaine ambiguïté, dans la mesure où ce n’est pas en l’occurrence un essentiel d’ordre doctrinal qui les rapprocherait. Il reste que l’un et l’autre occupent une place comparable, en des temps de fondation pour l’un et de refondation pour l’autre, à l’égard de la constitution de la langue allemande et de la définition de son vocabulaire original à l’égard de ses antécédents latins. Luther traduit la Bible, mais Maître Eckhart, avant lui, avait largement réalisé une transposition en langue « vulgaire » des principaux termes de la scolastique. Par mille canaux, la force d’invention lexicale de ce courant premier se déverse dans les choix que devait opérer celui que l’on tient, deux siècles plus tard, pour le vrai créateur de la langue théologique allemande. 

Jacob Boehme et Angelus Silésius

Dans cette histoire de l’eckhartisme, il faut encore mentionner, à titre de relais, Jacob Boehme, le « pauvre cordonnier de Görlitz (1575-1624), théosophe de l’Aurore (1612) et du Grand Mystère (1623), chez qui s’exprime une synthèse ambiguë du mysticisme naturel de la Renaissance et d’une doctrine biblique qui s’épanouit dans une reconnaissance de la négation au cœur de la divinité. Par l’intermédiaire de son disciple et ami Abraham von Frankenberg, il eut en effet quelque ascendant, secondaire en vérité, sur Johann Scheffler, plus connu sous le nom d’Angelus Silesius. Ce dernier, fils d’un luthérien polonais noble, naquit en 1624, se convertit au catholicisme en 1653, fut ordonné prêtre en 1661 et mena jusqu’à sa mort, en 1677, une lutte ardente contre ses anciens co-religionnaires. Philosophe et médecin, homme de grande élévation intellectuelle, il publia, en 1674, un seul ouvrage L’Errant chérubinique, qui suffit à faire de lui, aux yeux des historiens de la spiritualité, le dernier des grands « mystiques allemands». Nombre d’influences s’exercèrent sur lui, perceptibles dans les 1, 674 épigrammes en forme de distiques qui composent les six livres de cet ouvrage poétique de facture unique. L’on ne saurait dire que Maître Eckhart tienne la palme dans cette lignée de ses prédécesseurs – parmi lesquels l’ « Avertissement au lecteur » cite en revanche Tauler et Ruysbroeck. Mais, à le fréquenter, le familier du Rhénan peut y respirer à l’aise une parenté d’inspiration et parfois d’expression : même tension dans la forme paradoxale ou dialectique, même goût d’une pensée menée à l’extrême. Le « je » dont Angelus Silesius use plus largement que ne le fait Eckhart est de portée directement ontologique : il s’agit de l’homme déifié. A cet achèvement d’une vie illuminée par le travail de l’intelligence, est ordonnée l’épreuve de l’ « abandon », le choix d’une « retraite » hors des soucis immédiats, le culte d’une « quiétude » sans laquelle il n’est point d’union possible avec l’absolu. Ne trouve-t-on point en cela l’équivalent du « détachement » eckhartien? Ajoutons l’intrépidité des formules qui parlent de l’unité de l’homme et de Dieu, et le sens d’une gratuité qui retrouve le ohne warum du Maître Rhénan :

La rose est sans pourquoi; elle fleurit parce qu’elle fleurit,
Elle ne fait pas attention à elle-même, ne demande pas si on la voit. (I, 289) 

Ce thème du « sans pourquoi » ré-émergera à une époque récente, en particulier chez un Heidegger. Absorbé pour sa part dans une lutte titanesque contre les hydres des pouvoirs absolus, qu’ils soient politiques ou religieux, le XVIIIe siècle philosophique – car c’est désormais dans ce champ du savoir et dans la logique qu’il met en œuvre que l’influence eckhartienne se fera le plus sentir – ne va guère au-delà d’une compréhension immédiate et quasi néantisante du mouvement de négation. Il reviendra à l’idéalisme allemand des dernières années de ce XVIIIe siècle et des premières décennies du siècle suivant d’exprimer ce négatif sous sa forme réfléchie, comme se niant lui-même, et susceptible d’exprimer de la sorte ce qui est, le fond sans fond de l’être, le mouvement du devenir qui inscrit dans les figurations contingentes l’intemporalité de l’origine. 

La corrélation entre Maître Eckhart et Hegel 

Cette mise en forme d’éléments qui structurèrent la pensée de Maître Eckhart, c’est dans la philosophie de Hegel (1770-1831) que cette référence s’impose avec plus de force, jusqu’à induire, pour l’essentiel, une rencontre mutuellement éclairante entre ces deux visions du monde et leur articulation discursive. Hegel n’eut certes qu’une connaissance réduite des textes du Maître Rhénan. Il semble que quelques-uns se soient offerts à sa lecture au temps de sa formation à Berne peut-être et plus probablement à Francfort, au cours des dernières années du XVIIIe siècle. Plus que d’influence décisive pour lui, il convient d’évoquer une certaine parenté d’inspiration. 

Quelques formules typiques seront retenues qui émailleront tel de ses écrits – en particulier l’affirmation eckhartienne selon laquelle « l’œil qui regarde la montagne n’est pas la montagne, alors que l’œil qui regarde Dieu est Dieu lui-même ». C’est plus tard, peu avant la fin de sa vie, alors que l’essentiel de sa pensée avait trouvé sa propre formulation, que de façon plus explicite Hegel fut éveillé à cet univers. On connaît l’anecdote qui met en scène Franz von Baader (1765-1841), philosophe catholique dont l’importance réelle n’excède guère la révélation enthousiaste qu’il fut amené à faire ce jour-là : il aurait entretenu Hegel de la découverte qu’il venait de faire de Maître Eckhart, avec suffisamment de clarté et de force de conviction pour que Hegel puisse conclure : « S’il en est ainsi, nous n’avons besoin de rien d’autre. »

Une étude portant sur cette conjonction foncière de la mystique spéculative de Maître Eckhart et de ce que l’on ne craindra pas d’appeler, « la spéculation authentiquement mystique » de Hegel, reste à produire et devra l’être un jour. En sus d’une sérieuse immersion dans la pratique des textes de l’un et de l’autre, elle requiert le sens d’une vraie logicité fondamentale. Il serait présomptueux de ne faire que l’esquisser ici hors la confrontation exigeante entre la lettre et le mouvement de leurs discours respectifs. Qu’il suffise d’indiquer, sous mode programmatique, quelques-uns des « lieux » qu ‘il faudrait alors prendre en compte : 

• leur commune insistance sur la capacité de l’intelligence – « intellect » pour Eckhart, « raison » pour Hegel – à connaître le vrai;
• leur engagement respectif contre l’insuffisance du sentiment et de la seule volonté d’une part, contre l’exaltation romantique du savoir immédiat et de l’enthousiasme religieux d’autre part (Schwärmerei);
• la critique des immédiatetés représentatives et l’habitation nouvelle de toute contingence au terme du procès de réflexion et de médiation;
• le sens positif d’une négation redoublée qui puise son efficace dans l’identité fondatrice de l’être et du néant; la compréhension de l’être comme devenir et comme essence;
• l’identité en advenir entre le temps et l’éternité, exprimée ici et là dans la mise en évidence du « maintenant éternel » ou « intemporel », lieu sans lieu de la connaissance véritable;
• enfin, l’affirmation de l’unité entre l’un et le multiple, entre l’identité et les différences.
S’agit-il là de thèses essentielles qui formeraient le fond d’une « philosophie allemande »? C’est dans cet esprit que, réassumant l’histoire, l’on parla dès lors de Maître Eckhart comme du philosophus teutonicus type. Il est vrai que sa postérité dialectique déployée de façon exemplaire – et encore indépassée dans l’œuvre de Hegel – porte jusqu’à aujourd’hui une exigence dont la fécondité ne s’est pas démentie et qui demande à être menée plus avant…
Exemple : la compréhension dialectique que « relatio quodam in transitu consistit », i.e. que la relation consiste en un certain transit. C’est dire à quel point le mouvement dialectique est inhérent à la manière poïétique, c’est-à-dire symbolique d’habiter un lieu, un mouvement de réflexion en lequel on se tient, ce lieu n’étant autre que l’existence elle-même, le fait « d’être-dans » et « d’être-vers-le-monde » en perpétuel transit, puisque dans la pensée, rien n’est stable, arrêté, figé, se tenant là une fois pour toutes. 

Tel en est-il de la compréhension du procès de reconnaissance, essentiel à une réflexion de type dialectique qui, à l’aube de l’idéalisme allemand (début du XIXe siècle), se présente comme une architectonique monumentale dans La Phénoménologie de l’esprit comme première partie du système de la science. C’est de cette manière qu’ont commencé les années florissantes de ce siècle moderne et multiple dans ses tentatives de systématiser tous les savoirs afin d’en faire le commencement de la science. Une science qui rassemblerait et exaucerait, du même coup, dans un remarquable procès dialectique, la pluralité des discours sursumés dans l’unité du concept, le sujet qui rassemble à travers le travail du négatif, ce discours de l’autre qui gêne, questionne et érode sans cesse, remettant en chemin vers l’incontournable urgence du présent. Une urgence qui se mesure d’une manière encore plus grande à la situation politique et historique d’un peuple européen qui cherche l’autonomie héritée des lumières. Après la révolution française, c’est la grande guerre avec l’Empire Austro-hongrois qui occupe laborieusement l’Allemagne. C’est dans cette mise en scène que jaillira l’influence patriotique et intellectuelle entre un penseur du Moyen Âge et le fondateur du mouvement s’opposant au kantisme : l’idéalisme absolu de Hegel. Il y a bon nombre de raisons de croire que l’idéalisme absolu se soit ressourcé à la mystique spéculative de l’École Rhénane. Nous tenterons d’esquisser ici, très brièvement, leurs corrélations. 

Hegel inspire une relation de ressourcement intarissable à la pensée du Maître thuringien qui, ayant déjà utilisé de manière cardinale le concept de négatif dans la compréhension de son expérience de l’être et du monde, dénote simplement, à un premier niveau conceptuel, un lien implicite. Ce lien, Hegel le tiendra ténu tout au long de sa vie intellectuelle – sauf peut-être quelques allusions dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie. Pourtant, dans l’Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé , à la section Logique, théorie de l’être, au paragraphe 89, l’usage du concept de néant – exprimé dans une relation inaliénable à une juste compréhension du dasein (être-là) – semble remarquablement indicatrice d’une prolongation de l’usage eckhartien du concept de « Nichts », central dans les Traités et Sermons Allemands. Cela principalement parce que l’orientation dialectiquement négative de ce genre de réflexion, comprend la réalité absolue en référence au concept, ce terme qui retient l’idée d’une « saisie », dans leur unité essentielle, des déterminations multiples que découvre le champ de la représentation. Le concept qualifie donc un stade éminemment concret de la connaissance, une intelligence logique clarifiée de l’unité qui existe entre les particularités d’une chose et leur essentielle universalité. 

On ne forcera pas trop les choses en comprenant que l’épreuve de cette dialectique sans synthèse qui, contrairement à l’image convenue, représente sans aucun doute l’apport original de Hegel à cette lignée de pensée. Ce qui implique une étude rigoureuse du moyen terme et de son fonctionnement – procédure logique qu’un Maître Eckhart sut exprimer dans un discours d’expérience au temps de sa première découverte et que Hegel mena à certaine perfection en ce qui concerne son expression théorique. Une rencontre philosophique, qui certes n’est pas sans incidence religieuse, chez l’un et chez l’autre. Jouant d’un certain humour, on pourrait évoquer à ce propos la parole lucide de l’un des fondateurs de l’esthétique musicale caractéristique de la modernité : « La voie moyenne est la seule qui ne mène pas à Rome. » Car l’intelligence du tiers terme, dans son inexistence fondamentale et fondatrice, n’entend la voie « moyenne » que comme chemin de l’unité des extrêmes – ce qui est aussi libérateur pour les personnes qu’inquiétant pour les institutions.
On se souvient que c’est au milieu du XIXe siècle, fût-ce de façon insatisfaisante mais accessible, que furent proposées au public les œuvres de Maître Eckhart : l’édition de Franz Pfeiffer vit le jour à Leipzig en 1857. Elle est à l’origine de l’enthousiasme qu’Arthur Schopenhauer manifesta pour ces « merveilleux écrits », y puisant sans mesure ce qu’ils ne contenaient sans doute pas : la référence à une conception du néant qui le saisit moins comme le lieu sans lieu d’un flux auto-créateur que comme l’état d’indifférence où le vouloir-vivre pourrait s’abîmer sans retour. Un glissement de sens parallèle à celui de Schopenhauer se livre lorsque, avec la même ardeur, il incorpore à sa négation de premier degré sa lecture qu’il fait du nirvana de la tradition bouddhique.
La corrélation entre Maître Eckhart et Heidegger
Le XXe siècle portera la gloire d’avoir fourni les instruments littéraires nécessaires à une appréciation plus exacte de la pensée du maître rhénan. Si l’on ajoute le travail impressionnant qui présentement s’attache à comprendre les tenants et les aboutissants de ces siècles médiévaux trop longtemps méconnus – étude des sources, du contexte historique et culturel, des influences et des filiations, bref de ce qui est à même de restituer ces œuvres à leur sens originel en les préservant des pièges de la récupération –, l’on est en droit de s’attendre à un nouveau printemps herméneutique. Certains prodromes s’en laissent percevoir qui dépassent le stade de l’exégèse pour engager une vision du monde qui vaille actualisation de ce que l’on pouvait pressentir voici tantôt sept siècles. Il convient de signaler ici quelques-uns de ces lieux de naissance.
C’est un jugement convenu que d’évoquer à ce propos le nom de Heidegger. Il est vrai que celui-ci a lu Maître Eckhart et qu’il en a retenu plus d’un aspect relevant de l’essentiel. Par exemple, la méditation sur le ohne warum, le « sans pourquoi » qui, par delà Hölderlin et Angelus Silesius, est explicitement référé à la pensée du Rhénan. Autre exemple : le concept et la réalité d’une Gelassenheit qui débordent la banalité d’un simple « abandon » d’ordre ascético-moral pour rejoindre l’exigence ontologique d’un « laisser-être l’être ». Et enfin, la procédure de l’Entbildung qui est moins une « désimagination » globale qu’une procédure de détachement des images selon l’ordre de leur apparition première, et cela pour revenir à leur vérité, laquelle, par ce redoublement de négation, donne sa figure à cette « expérience subjective des images », expérience à laquelle Eckhart, loin de toute visée iconoclaste, entend mener son disciple .
S’agit-il d’une préfiguration de la « différence ontologique » qui signe pour Heidegger la nécessité d’un « retour » de l’étant à l’être? Le traitement eckhartien de l’image aurait davantage affaire avec cette procédure qu’avec la « déconstruction » post-heideggerienne marquée par la méfiance à l’égard du logos. Le « retour » ici évoqué ne peut que faire dresser l’oreille des familiers de Maître Eckhart, tentés de reconnaître en ce terme un précieux avatar de la « percée » (durchbrechen) qui est le complément, ou plutôt la diction réflexive du mouvement des origines – le « sortir », le « fluer ». Mais c’est alors que l’insatisfaction peut se faire jour. Une certaine faiblesse de la pensée de Heidegger – qui pourrait être responsable de ses errements politiques – ne tient-elle pas dans le fait que cette atteinte de la clairière de l’être, à partir de la négation de l’étant, serait un retour qui ne se redouble pas réflexivement dans la négation de ce retour lui-même? S’ensuivrait un déficit en réalisation d’histoire, un manque face à la tâche qui consiste à réinvestir l’étant par la clarté de l’être. Maître Eckhart, pour sa part, ne faillit pas à cette tâche essentielle. C’est pourquoi l’on comprend le jugement drastique de Wolfgang Wackernagel qui conclut ici : « Pour ce qui est de l’Entbildung et de la Gelassenheit, une connaissance raisonnée de Maître Eckhart (…) dispense de toute référence à Heidegger – et non pas l’inverse. » D’ailleurs, certaines références de Heidegger au Thuringien fondent l’argument de Wackernagel, et donc ne dispensent pas toute référence au Maître :
• La reconnaissance usuelle par Heidegger de Maître Eckhart comme fondateur de la philosophie moderne avant Descartes.
• La guise de l’être est « laisser-être l’être ».
• La similitude, au moins lointaine, entre la compréhension heideggérienne de la « chose » (Ding) et la Dinc eckhartienne indique un manque de rassemblement qui caractérise la chose pour référer dans ce cas-ci à Dieu aussi bien qu’à l’âme. Eckhart dit, en adoptant une expression du Pseudo-Denys l’Aéropagite : « L’amour est de telle nature qu’il change l’homme en les choses qu’il aime. »
• L’essence de la technique est danger pour Heidegger, car la réduction et la production qu’elle enclos dans l’essence du Gestell comme guise de l’être tourne l’Être en oubli à l’encontre de sa manière d’être. Ainsi lorsque l’essentielle guise de l’Être devient Gestell, la possibilité d’un tournant (Kehre) est voilée dangereusement.
• La parenté sémantique apparaît originalement entre Denken et Gedanke qui rapproche les sèmes ici en jeu dans la pensée comme se rapportant au remerciement et aussi à la mémoire (Gedächtnis) qui, initialement, signifie la disposition intérieure et la dévotion de l’homme comme manière d’être essentielle de la nature humaine, tout comme le merci provient de Gedanc. Ainsi donc cette étincelle de l’âme chez Eckhart est désignée par Heidegger comme ce en quoi l’esprit a son être, l’esprit de l’esprit.
• La dimension du non-dit, la négativité du discours se déploie dans le renvoi ultime au Maître dans Der Feldweg où Heidegger indique que le simple préserve l’énigme de la durée et de la grandeur. Les choses qui ont leur place au long de la voie déploient un monde seulement dans la non-diction de son discours, i.e. dans sa négativité.
Michel Henry
Pour être complète, la perspective ici esquissée devrait s’arrêter sur la contribution d’un Michel Henry portant sur la signification de la critique de la connaissance chez Maître Eckhart , et sur l’intérêt qu’un homme tel que Georges Bataille manifesta à l’occasion à l’endroit de la pensée du Rhénan. L’écart entre ces deux hommes – l’un ancré dans le courant phénoménologique, qui sut mettre en honneur une nouvelle conception du sujet, l’autre conjuguant d’originale façon les traditions marxienne et nietzschéenne – donne la mesure, plus ambiguë dans le cas de Bataille, de l’intérêt que peut éveiller la redécouverte de cet univers de pensée.
Pour Henry, la corrélation est opérative dans le fait que « c’est par référence à la transcendance et par l’exclusion de celle-ci hors de sa structure interne que l’immanence a été définie » . De sorte que la phénoménologie est délimitée et pratiquée comme une radicale remontée au fondement de l’expérience, sans qu’il soit fait appel à une autre instance que sa structure interne. Il nous importerait ici, de montrer, si le temps nous était donné pour une analyse conceptuelle, ce qui se donne au départ, chez Henry, comme une pure phénoménologie au sein d’un mouvement spirituel parfaitement identifiable dans son rapport à la pensée de Maître Eckhart. Un mouvement spirituel qui est lui-même en consonance avec bien des paroles de Jésus, telles que Hegel les repense dans L’esprit du christianisme et son destin . Ces références sont tout à fait explicites dans L’essence de la manifestation : Michel Henry n’a, d’ailleurs, pas à les cacher; elles sont nobles et magnifiques. Il restera cependant à revenir avec obstination à la question méthodologique : dans quelle mesure sont-elles compatibles avec une phénoménologie? Michel Henry a parfaitement compris tout le parti spirituel qu’il pouvait tirer d’Eckhart, suivant un chemin où Heidegger lui avait montré la voie – sans cependant expliciter suffisamment en sa propre pensée les conséquences de sa méditation de ce Maître . Le point d’ancrage fondamental que retient à juste titre Michel Henry dans l’enseignement de Maître Eckhart est l’immanence à notre âme de la révélation divine, et si intimement que l’essence de l’âme se confond avec celle de Dieu. Cette unité profonde est ce lien incréé qu’Eckhart nomme « Déité » et ausein – de laquelle toute représentation doit être dépouillée, même celle de Dieu comme substance ou personne. L’exclusion de tout rapport de transcendance au sein de la vie divine qui nous est ouverte va donc de pair avec une intégration du moment de l’athéisme. Autant de traits qui font d’Eckhart un Maître de l’immanence aux yeux de Michel Henry, et qui lui permettent de saluer en lui l’annonciateur exceptionnel de l’essence de la manifestation comme Parousie, ainsi que le critique systématique du savoir : Eckhart fait signe vers le non visage de l’essence Affective de la réalité. Il fait comprendre et appréhender que l’invisible « détermine l’essence de l’immanence et la constitue » .

La multiplicité des influences

L’on pourrait multiplier presque à l’infini l’histoire de telles influences. Ainsi, curieusement, en un sens plus subtil, l’on a pu situer dans une mouvance eckhartienne « les écrivains qui croient nécessaire de fonder leur création sur une recherche de l’absolu ». En soulignant l’ampleur de cette référence diffuse, puisque aussi bien « de Mallarmé à Paul Celan ou à Marguerite Duras , les modernes n’ont cessé de s’interroger à ce sujet » . Est-il exact d’inscrire ce rapport à l’absolu sous la raison d’un « silence » qui serait origine et terme de tout discours? Il est vrai que Maître Eckhart cultive cette réalité puisqu’il parle d’un « désert silencieux ou jamais distinction n’a jeté un regard » . Mais une qualification – qui n’est pas sans rappeler le « silence sonore » d’un Jean de la Croix – relève moins d’une indicibilité des choses et d’une incapacité concomitante à parler que d’un redressement du discours qui le place sur son orbite de vérité. Car Eckhart ajoute dans ce même sermon : « Ce fond est un silence simple, immobile en lui-même, et par cette immobilité toutes choses sont mues, et sont conçues toutes les vies que les vivants doués d’intellect sont en eux-mêmes » . 

Occident et Orient : une conjonction en guise de clin d’œil

Produire une parole qui ne rompe point le silence de l’abîme, c’est là vers quoi veut ramener Eckhart. C’est là aussi qu’il faudrait situer la rencontre que bon nombre de spécialistes de la philosophie orientale estiment possible entre ces deux univers : que l’on songe par exemple à cette doctrine d’orientation non-dualiste qu’est la pensée d’un Dogen, le fondateur de l’École Zen Soto au XIIIe siècle. Rappelons à ce propos le jugement de Jung selon lequel « la pensée d’Eckhart vient du fond de l’esprit collectif commun à l’Orient et à l’Occident. » Explorer ces rapprochements serait un préalable à la réalisation du projet d’un Kitaro Nishida , fondateur de l’école de Kyoto. En tant que premier philosophe original du Japon moderne, n’appelait-il pas, dans sa philosophie même, une synthèse dialectique peu commune entre Maître Eckhart, le néo-kantisme, la phénoménologie et le zen. De cette tentative surgira une manière négative de conceptualiser la logique du lieu comme logique du néant dont le cheval de bataille est la « dialectique des opposés contradictoires absolus ». Ceci renvoie non seulement à Eckhart, massivement, mais aussi au Cardinal humaniste de Cues, grand lecteur, on l’a vu plutôt, du mystique-métaphysicien.

Cela représente, philosophiquement, la première tentative de rapprochement de l’esprit oriental et de l’esprit occidental : condition pour atteindre la plus haute dimension de la vie.

Pour ne pas conclure

Plusieurs questions demeurent en suspend quant à la nature des corrélations conceptuelles et des prises de positions herméneutiques concernant l’approche de la pensée du Thuringien. Nous croyons avoir respecté l’esprit du texte eckhartien dans une première station interprétative qui ouvre l’espace réflexif à la prochaine : c’est ce que nous nous proposons de faire un jour.
De Nicolas de Cues à Hegel en passant par Jacob Boehme jusqu’à Heidegger et Nishida, Maître Eckhart est sans doute le philosophe teutonique dont la mouvance dialectique confirme l’influence indéniable d’esprit, de concepts et d’expérience. Cet oportet transire, ce transit obligatoire, dont il se faisait le hérault fut déterminant au point de changer la tournure de l’histoire de la pensée en ses manifestations moderne et contemporaine ainsi que nous avons tenté, bien qu’insuffisamment, de l’indiquer à travers ces rapides corrélations. 

Celles-ci devront être lentement reprises et méditées dans un patient travail de double lecture comparative des philosophies ici concernées, que ce soit celle de Nicolas de Cues, de Hegel ou de Heidegger. Rien n’est terminé, tout semble commencer dans cette aventure herméneutique qui déploie la prégnance du dire métaphysique et poétique d’un des plus grands penseurs de l’histoire qui, malgré l’adversité et la méfiance de certains de ses contemporains, est allé jusqu’au bout de son propre transit existentiel et spéculatif. Par ces mots, nous n’avons voulu nous faire que le simple reflet du miroir de l’histoire de l’esprit en cette manifestation historique de la mystique spéculative.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Théopoésie ou Dichtung à propos d'un livre récent de Peter Sloterdijk

  A quoi sert la religion ? D’où vient notre besoin de textes religieux ? Dans un essai exigeant, le philosophe allemand explore les rouages...