Questions introductives
- Comment au centre de la décision éthique, éviter le problème de l'incertitude ?
Car, nous sommes toujours susceptibles d’être étreints par le doute voire par l'angoisse qui génèrent l'incontournable incertitude.
Quel est le rôle du jugement en éthique clinique ?
« La recherche d'un juste
rapport à l'incertitude ?»
La démarche éthique ne consiste pas à débouter les certitudes, même provisoires, ou à refuser les incertitudes, mais à entretenir une démarche apte à guider les décisions i.e. un esprit qui a toujours dans sa réflexion « l’enjeu éthique » pour le cas observé.
À
travers les situations dilemmatiques vécues par des soignants qui nous
sont soumises, on envisage ces situations « comme des affrontements de
difficiles incertitudes et tentant de se créer un chemin à la recherche
de certitudes capables de guider leurs décision». (Malherbe, 1996) On
doit envisager de montrer la pertinence d'articuler «différentes façons
de faire de l'éthique ».
Autonomie et consentement
L’obligation de respecter l’autonomie d’autrui a, depuis lors, débordé largement
le champ de la clinique. Depuis l’introduction du principe de respect de
l’autonomie en éthique médicale,le respect de la volonté du patient a occupé
une place déterminante dans la prisede décision. Face aux difficultés apparues
lors de l’application de ce principe en médecine clinique, Bruce Miller -
a proposé au débutdes années 1980 - de clarifier la signification de cette notion
dans le champ de la pratique médicale. Il a montré que la notion d’autonomie
peut être comprise en quatre sens qui méritent d’être explorés en situation
de tension éthique.
« On peut choisir moralement n’importe quoi du moment que cela me
convient et que cela ne lèse pas les autres ».
Les quatre sens de l’autonomie
-
Cela consiste principalement à tenir compte des convictions de chacun,
en aiguisant leur sens des responsabilités, en participant à une
discussion critique et en interrogeant la fonction transgressive. La
lettre de la loi au nom de l'esprit de la loi. (Malherbe, 1996)
Dans l'examen d'un cas rappelons qu'il est d'importance de :
1- Considérer les convictions qui sont la base de tout, le premier mot mais pas le dernier, à moins qu'on se trouve dans une société fermée et homogène en comprenant qu'une conviction
Dans l'examen d'un cas rappelons qu'il est d'importance de :
1- Considérer les convictions qui sont la base de tout, le premier mot mais pas le dernier, à moins qu'on se trouve dans une société fermée et homogène en comprenant qu'une conviction
est un principe, une idée qui a un caractère fondamentale pour quelqu'un.
2- Souligner le souci d'etre à la hauteur de nos responsabilités nous dispose à la discussion critique et nuancée.
3- Ce souci entraine quelquefois la conscience morale jusqu'à son ultime "privilège" qui consiste à transgresser.
1- Intégrité des interlocuteurs
2- Qu'on ne les manipule pas
3- Qu'on ne leur mente pas
4- Chaque fois qu'un conflit apparaît entre des convictions antagonistes, il convient de
chercher à les dépasser en direction de la plus grande universalité possible (vers la fin)
5- Construire un consensus
6- Si le consensus n'est pas possible, se mettre d'accord sur le point de désaccord
7 - Proposer un compromis.
Ces sept recommandations permettent de réduire l'incertitude face à une décision
difficile. Or, fait à remarquer, «il demeure toujours une incertitude résiduelle qui semble liée à la condition humaine elle-même».
Puisque
la transgression est l'ultime possible, la discussion éthique demeure
le chemin le plus usuel pour trouver une position à l'égard de
l'incertitude. Je propose à la suite de Malherbe (1996) de revisiter les
sept étapes ou les recommandations profitables à la discussion éthique:
4- Chaque fois qu'un conflit apparaît entre des convictions antagonistes, il convient de
chercher à les dépasser en direction de la plus grande universalité possible (vers la fin)
Notons
dès lors que cette démarche se démarque de la procédure démocratique de
la règle de la majorité. Cependant, elle opère bien en éthique
clinique, notamment dans des situations où
l'accord de tous est nécessaire pour la pratique.
Dans
l’incertitude une éthique demeure, celle qui cherche « à assumer
positivement l'incertitude inhérente à notre condition humaine ». (Malherbe,
1996) Une éthique, en somme, qui ne vise pas à juger pour condamner ou à
solidifier un axe porteur de vérités, mais qui se porte vers la
compréhension de l'insoutenable lourdeur d'une fragile décision.
- Selon
Miller (1981), le concept d’autonomie peut être analysé sous quatre
angles : l’autonomie comme action libre , l’autonomie comme
authenticité, l’autonomie comme délibération «pratique », et l’autonomie
comme réflexion morale.
1- L’autonomie comme action libre :
signifie que l’action répond à une intention qui s’exprime par une
volonté s’exerçant sans contrainte ni coercition. Elle reflète la
capacité d’autodétermination du patient qui s’exprime dans le
consentement libre et éclairé.
2- L’autonomie comme authenticité:
signifie que l’action est conforme aux valeurs que le patient exprime
habituellement au cours de sa vie, et qu’elle est en accord avec son
projet de vie. A titre d’exemple, la décision d’un témoin de
Jehova d’accepter une transfusion sanguine pourrait être considérée
comme une action libre, mais son authenticité devrait être évaluée.
3- L’autonomie comme délibération « pratique »
: signifie que le patient a montré qu’il a examiné toutes les options
relatives à sa situation et a procédé à une délibération à l’issue de
laquelle il propose une argumentation rationnelle en faveur d’une option
plutôt que d’une autre.
4- L’autonomie comme réflexion éthique
signifie que le patient est à même de dire sur quelles valeurs il fonde
sa décision et d’affirmer qu’il accepte ces valeurs ainsi que les
conséquences qui en découlent.
-L’attention
du soignant à ces quatre sphères de l’autonomie - en situation de prise
de décision clinique - est essentielle pourquoi ?
-Car
elle permet d’aboutir à un jugement éthique circonstancié face à
l’expression de la volonté du patient et offre ainsi la possibilité
d’aborder les conflits entre autonomie et bienfaisance de manière mieux
adaptée à la réalité clinique.
-Il
en découle l’importance de porter une attention particulière à la
nature du dialogue entre le soignant et le patient et, plus
particulièrement, à la manière dont l’information est recueillie et
donnée au patient.
Un cas clinique
Trois Implications pratiques
Hastings Center Report, 1984;14:40-2.
Il
apparaît que la demande du patient émane d’une décision libre : nous
savons par la note trouvée avec le patient qu’il refuse toute prise en
charge.
La décision n’a apparemment pas été prise sous contrainte. Cependant, que savons-nous sur cette déclaration d’intention ?
Pouvons-nous
dire que le patient avait sa pleine capacité de discernement au moment
de la rédaction de cette note ? Les réponses à ces questions, au moment
de l’évaluation du patient ne sont pas encore claires et le patient
n’est pas capable de nous répondre.
Ainsi,
même si sa décision semble à première vue libre, c’est-à-dire
l’expression de sa volonté, est-elle authentique, et est-elle issue
d’une délibération ainsi que d’une réflexion éthique ?
Au
plan de l’authenticité, les informations à disposition semblent
signifier que son désir de mort « n’est pas en accord » avec ses valeurs
habituelles, mais que sa volonté de mettre fin à ses jours est plutôt
apparue à l’issue d’un épisode de stress et d’angoisse qui n’a pas pu être pris en charge adéquatement.
- Par
ailleurs, il est possible d’interpréter son acte comme n’étant
probablement pas issu d’une délibération : peut-on dire que sa décision
est basée sur des informations complètes et adéquates ainsi que sur le
choix d’une option?
-Enfin,
au plan de la réflexion éthique, il n’a probablement pas eu le temps
d’évaluer rationnellement les options et de décider, après réflexion, de
l’option la plus en accord avec son plan de vie, ses souhaits et ses
valeurs.
-Ainsi,
en nous basant sur les quatre sens de l’autonomie de Miller, nous
pouvons considérer que la tentative de suicide du patient, et sa demande
de ne pas être réanimé, même si elle semble un acte volontaire, ne semble pas faire preuve d’authenticité, et encore moins issue d’une délibération.
-Pour
attester de ces catégories qui définissent l’autonomie dans le champ de
la pratique clinique, l’équipe médicale doit s’enquérir auprès du
patient et de son entourage de ses réelles motivations ainsi que de la nature de sa souffrance au moment de son arrivée aux urgences.
-Dans
cette perspective, il pourrait être justifié de poursuivre les mesures
de réanimation et d’instaurer un traitement en considérant qu’il existe à
ce moment-là encore des incertitudes importantes concernant
l’expression de l’autonomie du patient.
-Cette
attitude est justifiée par la nécessité de clarifier toutes les
dimensions de son autonomie et de les interpréter à leur juste mesure.
-Dans
cette situation précise, un traitement pourrait créer les conditions
nécessaires pour discuter en profondeur des préférences du patient, et
de tenter de comprendre si la tentative de suicide était une réaction fortement anxieuse à l’information qu’il venait de recevoir ou un manque de réflexion?
-L’équipe
médicale de l’urgence a décidé de traiter le patient pour sa tentative
de suicide avec un lavage gastrique et une hydratation intraveineuse. Ce
dernier a bien évolué et a été évalué le lendemain.
-Le patient a précisé que sa tentative était liée à l’angoisse de savoir qu’il était atteint de la maladie de Huntington
et qu’après avoir appris la nouvelle, il s’est souvenu avec beaucoup
d’émotions du décès de sa mère, ce qui l’a fortement angoissé. Au
moment de sa décision, il était seul et n’a pas osé demander de l’aide.
Il a aussi exprimé à son psychiatre, qu’il serait prêt à vivre avec sa
maladie, mais qu’il ne voudrait pas faire souffrir ses proches.
Pour conclure
- Il
m’apparaît que le respect de l’autonomie basé essentiellement sur
l’expression de la volonté du patient ne suffit-il à justifier un arrêt
de traitement sans que cette prise de décision ne soit accompagnée
d’une réflexion critique ?
En
accord avec cet auteur, il nous paraît essentiel de collecter tous les
éléments nécessaires à une compréhension adéquate de l’autonomie dans
chaque situation singulière.
Ainsi,
respecter l’autonomie ne signifie pas seulement respecter le fait que
le patient ait refusé un traitement ou une procédure, mais également comprendre les raisons de son refus, telles qu’ils les expriment et les justifient, ainsi que les valeurs sur lesquelles sa décision est fondée et assumée.
- La
conjonction de deux volontés dans une même recherche du mieux-être du
patient. Dès lors, la question, si controversée, de la « vérité » à dire
au patient ne se pose plus. C’est plutôt la manière de dire qui devient problématique, surtout en cas de maladie mortelle.
Comme
l’a écrit Daniel Callahan au début des années 80, « l’autonomie est un
principe éthique certes important mais qui ne doit pas devenir une
obsession pour le soignant. »
- Dans
certaines situations cliniques, il est essentiel d’évaluer de manière
plus approfondie et critique la demande et la volonté du patient.
- Cette
posture réflexive atteste d’une attitude morale responsable, dans la
mesure où la maladie peut affecter l’une ou l’autre des sphères de
l’autonomie et que la visée éthique du soin – en situation d’incertitude
– consiste avant tout à restaurer l’autonomie blessée du patient pour lui permettre de retrouver un sens à son existence. C’est
probablement la manière la plus authentique pour un soignant de
respecter la dignité de la personne malade qui lui confie son
existence.
- Le devoir de respect de l’autonomie mérite d’être compris de manière plus approfondie, que le devoir de respect de la volonté du patient.
- L’autonomie peut être comprise sous quatre angles : l’action libre, l’authenticité, la délibération pratique et la réflexion morale.
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Respecter l’autonomie signifie dès lors non seulement respecter la
volonté du patient, en cas de refus de traitement par exemple, mais
également comprendre les raisons de ce refus, telles qu’elles sont exprimées et justifiées par ce dernier, ainsi que les valeurs sur lesquelles sa décision est fondée et assumée.
Éléments bibliographiques
Beauchamp T., Childress, J. Principles of biomedic ethics, Oxford University Press,2004.
Malherbe, J-F., L’incertitude en éthique, Montréal, Fides, 1996.
Miller B. Autonomy and the refusal of lifesaving treatment,
Hastings Center Report, 1981;11:22-8.
Ackerman T.F., Why doctors should intervene, Hastings Center Report,
1982; 12:14-7.
Callahan D., Autonomy : A moral good, not a moral obsession,
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