2 mars 2021

Synthèse de Paul Ricoeur: Vivant jusqu'à la mort - Fragments


    Dans cette belle méditation - bien que hantée par un certain pessimisme qui donne à penser à l'agnosticisme, un philosophe se débat avec l’espérance de survivre, tout en se trouvant dans l’impossibilité intellectuelle et/ou philosophique d’acquiescer à toute vision naïve d’un autre monde qui serait le monde en double, ou la copie, de ce monde-ci. Il faut faire le deuil de toute image, de toute représentation. En cela il constate qu'il n'y a pas de consolation face à l'homme qui meurt debout.

    Paul Ricoeur débute en disant que ce texte est une méditation philosophique sur la mort où il tient à affirmer que sa réflexion est purement philosophique et, de ce fait, autosuffisante en ce qu'elle récuse l'attribut de "philosophie chrétienne" et les représentations de la mort et de l'après-vie, rattachées à cette tradition. La tâche de la réflexion philosophique est d'analyser, de clarifier. Cette clarification conceptuelle a déjà valeur thérapeutique. Ricoeur s'impose une sobriété de l'imagination, une analyse critique des représentations.

    C’est en 1996 que Paul Ricœur, âgé de 83 ans, ose poser la question : « Que puis-je dire de ma mort?» Comment « faire le deuil d’un vouloir-exister après la mort ?» Cette longue réflexion sur le mourir, sur le moribond et son rapport à la mort, également sur l’après-vie (la résurrection), passe par deux médiations : celles de survivants des camps de la mort - Jorge Semprun et Primo Lévi - et une confrontation avec l'exégète Xavier Léon-Dufour sur le concept de résurrection. 

    Cette méditation advient au moment où commence à s’éteindre doucement sa compagne Simone. Il éprouvait alors une grande angoisse et pour rester vivant multipliait voyages et écrits. La rédaction du texte a été interrompue délibérément en avril 1997 car cette méditation, cette ascèse devenait insupportable. Son épouse est décédée en janvier 1998. La santé de Ricoeur se voit décliner petit à petit, car il désespère d'une vie après la mort. 

    "Capax mortis", devenir capable de mourir était alors son seul souci. Quelques jours avant sa mort, il déclara avec grande simplicité : « Je suis entré dans le temps de l’essentiel. » Cette période éprouvante devient une lutte douloureuse traversant l’abattement, la peur, la solitude de celui qui s’en va et affirmant sa volonté d’honorer la vie jusqu’à la mort.

    La seconde partie du livre est faite de textes écrits en 2004 et 2005, que le philosophe a lui-même appelés « fragments » (sur le « temps de l’œuvre » et le « temps de la vie », sur le hasard d’être né chrétien, sur l’imputation d’être un philosophe chrétien, sur la controverse, sur Derrida, sur le Notre-Père…). Textes courts, rédigés parfois d’une main tremblante, alors qu’il est déjà fatigué. Le dernier, de Pâques 2005, a été écrit un mois avant sa mort.

Paul Ricoeur fut un des plus importants philosophes du XXe siècle, il passa sur l'Autre rive le 20 mai 2005.

 


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