« (…) rentrés au foyer natal /
dans l’angoissant rai d’exil /
qui rassemble les dispersés,
les errants conduits à travers
le désert stellaire Âme ».
Paul Celan
Aujourd'hui le péril de notre temps nous guette plus que jamais, il apparait en ce « retrait du dieu » dans la culture, qui laisse émerger
l’expérience du rien générée indirectement par la technique et les
phénomènes culturels passés qui ont donné une nouvelle orientation à la
société québécoise; cette sorte d'inculture généralisée où "on ne lit plus".
Et,
secondement, il y a le dilemme de l’agir, conséquent au désenchantement
du monde et à la déchéance des normes morales, des valeurs communément
admises de manière universelle – jusqu'à une sorte de réenchantement
issu d’une certaine nostalgie du divin ou d’un au-delà du Nom divin.
Cette
double contrainte est issue des avancées techniciennes; c’est-à-dire que
l’âge des techno-sciences génère l’incertitude dans la conscience du
sujet postmoderne : un clivage émerge; « une leucémie de l’espèce »
(René Char) se manifeste. Cette incertitude ronge le sujet au point où
il devient une espèce esseulée, renvoyée à sa propre intériorité. Mais
tragiquement, le sujet se sent perdu ou pendu dans l’intériorité, il ne
sait plus à qui ou à quoi se vouer.
Ce
temps où advient l’événement de la confrontation avec l’esprit du
temps est nihiliste : il n’y a rien à glorifier mais plus à damner, à
incriminer. Les choses sont de plus en plus risibles. Tout est risible
quand on pense au rien et à la mort, au tragique de la vie. On parcourt
la vie, impressionné et désenchanté, on traverse l’arène du rien, blasé
par une mauvaise « mise en scène ».
En
ce temps-ci, tout est interchangeable : l’effet de mode est fidèle à
sa nomination, il est éphémère. De là, on peut comprendre la
détermination du nihilisme en pareille époque comme manque de
conscience et apogée de l’éthique dont l’éclatement multiple ne vise
aucune unité-disparité, en raison de la pluralité de ses fondements
mythologiques mêmes.
Ce
sont les nouveaux « maîtres du monde » scrupuleusement inconscients
qui ont engendré ce temps de détresse immémoriale, c’est le temps des
barbares parés de leur fausse modestie et de la bassesse de leur
indigence, de leurs exigences de performativité, de leur pointillisme
acéré de leur soumission à l’académisme. Cela est de mauvais augure –
qu’en ce temps anti-philosophique et haïssable à l’extrême –, d’entendre
le glas de la fin de la philosophie humaniste i.e. du respect du sujet
en détresse de par sa maladie. Il y a déjà un moment que la donne
conceptuelle est passée et que l’errance du sujet a commencée.
Peut-on
méconnaître la médiocrité des siècles nihilistes ? Au point où la
détresse serait notre geôle existentielle, en territoire intérieur
conquis par la peur de la mort, la bêtise et la fatuité qui sont devenus
des lieux communs de notre vie quotidienne. En ce sens, même l’État
est une institution vouée à l’échec, et la civilisation technicienne,
un phénomène condamné sans relâche à l’infamie et à la débilité. La vie
est désespoir sur lequel les philosophies s’appuient et qui ne permet
pas d’échapper à l’indigence de notre temps : la barbarie intérieure.
L’homme
est devenu une technique de l’humain, l’homme contemporain est
apathique, nihiliste dans son indifférence même à la vie, à l’essentiel
de l’existence, au questionnement provoqué par l’intériorité.
Dans
le processus de la nature et de l’histoire, l’homme de la civilisation
technicienne vise un avenir mégalomane en raison de ce à quoi il se
réfère inconsciemment : son ambition économique et matérialiste sans
limites.
Ce
qui permet de percevoir la récurrence du pathos en pareil contexte,
c’est que l’heuristique du nihilisme a cela de bon qu’elle nous apprends
que le fiasco – comme la maladie ou la médiocrité – ne sont pas des
destins : ce sont des conditions mêmes de l’existence périlleuse.
félicitations pour votre si riche blog, Depuis un certain temps je le lis !
RépondreEffacerCordialement, Ney
www.reflecritiques.com
Je suis honoré par votre commentaire et vous en remercie vivement.
EffacerLe votre me semble bien intéressant aussi, cela ouvre sur le possible d'un dialogue.
Bien cordialement,
M.G.L.