1 avril 2012

Les chemins du verbe vers la croix

« La Croix et l’être » cela nous rappelle que « la croix est dans notre environnement matériel, le signe et le principe de contradiction qui se lève sur le monde. Dans cette compréhension de la croix Stanislas Breton a renouvelé en nous l'étrange pouvoir du négatif. La nudité de la croix nous amène à la nudité de la foi, et à travers elle la nudité de l'âme ».

Breton n'a pas l'intention de donner une leçon de philosophie. Mais nous devons comprendre que les extrêmes se rencontrent parfois dans les profondeurs de la dissemblance. La croix divise le monde dans le sens original de la division qui sépare le monde du crucifié. La croix fait partie de la radicalité du salut et de la perdition de l'être et du non-être. Pour certains, la croix est folie pour d’autres elle est puissance de Dieu. Elle ne perd pas sont apparence de folie pour ceux qui ont été sauvés par l'espérance. Qu'importe la manière dont vous la regardez, elle demeure paradoxe et folie aux yeux de l’humanité.

« Ces fous de la Croix » furent ces individus qui vivant paradoxalement leur humanité à l’ombre de ce signe de contradiction ont contribué à la moquerie des puissances de ce monde, inauguré par la croix du Christ. La croix est comprise en son sens dynamique d'engagement, comme cette chose qui s’est enracinée dans l’histoire. La croix s’impose à un monde en constante mutation, à une nouvelle création médiatisée « à partir du néant de la croix »; sagesse aux yeux de Dieu et scandale pour la raison instrumentale de l’homme postmoderne.

Paul de la Croix, dit Breton, a réellement vécu le mystère de la croix, et en ce sens, son nom est le nom de son être ontologique, qui dit exactement ce qu'elle est, le lieu de son cœur et de sa joie. Ce « rien » de la croix en lequel était sa source vient transformer le monde en lequel on se tient. Mais il n’y a pas d'illusions à se faire sur les résultats et l'efficacité du travail de la distance chez le sujet, il s’inscrit dans le procès qui humilie et laisse la gloire éphémère de l'ombre que projette cette potence sur la face de la terre.

Le Dieu de la Croix pour Breton n'a rien qui est, pas même le «je suis qui je suis » d'Exode 3,14. En parallèle, le néant de Dieu et l'âme viennent s’unir dans un «germe de rien ». Mais le tombeau vide demeure signe de la croix au matin de Pâques tout en annonçant un monde nouveau illuminé par le mystère de la résurrection. Donc, la façon dont le monde et le Royaume de Dieu sont cachés dans «ce signe ce contradiction», inauguré par le Christ en croix « à partir du rien de Dieu»; vient réunifier la passion et la résurrection de l’homme, de toute l’humanité. Les deux moments d'origine requièrent une évolution du rien à l’être glorifié du Christ par un instrument de supplice. La mort de Dieu nous ouvre à l’absolu de l’Esprit.

« Le Verbe en Croix » nous rappelle enfin que  pour être libre et cause de soi, la subtilité et la faiblesse de la Croix nous démontre la nécessité de surmonter ce régime d'auto-détermination, et nous rappelle que nous ne pouvons pas avoir pouvoir sur toutes choses : personnes, Dieu, ou ultimement nous-mêmes. Car c’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Nous faisant éprouver dans nos corps la puissance de cet excédent en lequel on se tient. Le meilleur argument contre les puissants, c’est la folie de la croix qui nous soutient sans mesure. Le sens essentiel de la croix est donc de démolir le moi qui obstrue la lumière qui brille au fond de soi et nous prive de l’accès à notre véritable nature. Nous avons là une référence implicite au bouddhisme zen nous indiquant en filigrane que chaque grande intuition mystique nous renvoie inlassablement à la Réalité absolue une et plurielle en ses manifestations.

Pour de plus amples développements méditatifs voir : Stanislas Breton, Le verbe et la croix, (1985).






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